Et là ça me chicotte : quelle est cette douleur que je ressens ? D’où me vient ce réflexe de me taire ou de décamper ?
Quels sont les symptômes d’une blessure de rejet ?
Je continue ma série d’épisodes sur les blessures de l’âme. Un rappel très rapide : le concept nous vient de Lise Bourbeau et est développé dans son essai Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même. Les blessures de l’âme sont des expériences douloureuses que nous aurions vécues pendant notre enfance. Et qui continuent d’influencer nos réactions et notre personnalité d’adulte. C’est ce que Lise Bourbeau appelle les masques. Aujourd’hui, je vous parle de la blessure de rejet.
Quelle est la différence entre le rejet et l’abandon ?
J’aime bien commencer par une définition. Le Larousse définit « rejeter » comme l’acte de « renvoyer quelque chose vers son point de départ », « de ne pas ou ne plus admettre quelqu’un, ne pas en vouloir, l’éliminer du groupe ». Le vocabulaire du rejet est très fort : expulser, écarter, repousser. Rejeter c’est renvoyer loin de soi. Il est important de faire la distinction avec l’abandon. L’abandon a un autre objectif que le fait d’éloigner une personne.
Abandonner quelqu’un c’est le laisser POUR quelque chose ou quelqu’un d’autre. Rejeter est résolument orienté vers l’objet du rejet, c’est repousser l’objet ou la personne pour elle-même et non dans un autre but. Lise Bourbeau nous dit : celui qui rejette utilise l’expression « je ne veux pas », tandis que celui qui abandonne dit plutôt « Je ne peux pas ».
Peut-être avez-vous eu la chance de regarder la formidable adaptation du roman Poupée volée d’Elena Ferrante ? Dans ce roman, Leda est littéralement transpercée par la douleur de son abandon de ses propres enfants alors qu’une jeune maman croisée en vacances lui offre un miroir grossissant de toutes les raisons pour lesquelles elle est partie. Elle suffoquait et se perdait elle-même dans la maternité et l’amour dévorant de ses 2 filles. Leda a abandonné ses enfants pour se retrouver et non parce qu’elle ne les aimait pas. Son geste n’est pas dirigé contre ses filles.
Vous sentez donc sans doute que la douleur du rejet est plus forte que celle de l’abandon. Nous nous sentons rejeté dans notre propre être car il n’y a pas de raison supérieure, c’est tout simplement notre faute.
Comment savoir si on a une blessure de rejet ?
La blessure du rejet est l’une des premières à se manifester dans la petite enfance. Il existe des cas radicaux comme les enfants non désirés ou bien les nouveau-nés qui ne sont pas du sexe tant attendu. Heureusement, nous sommes peu nombreux à avoir vécu cette blessure. Cependant, il existe un tas d’autres situations dans lesquelles un enfant peut vivre un rejet. Rappelez-vous que la souffrance ne tient pas à ce que génère une expérience mais plutôt à la façon dont nous réagissons à ce que nous avons vécu ou vivons. Par exemple, un enfant peut se sentir rejeté lorsque ses parents l’envoient jouer plus loin pour qu’ils puissent parler avec leurs amis (expérience). C‘est très anodin et fait sans désir de blesser. Pourtant, cela peut éveiller chez l’enfant une sensation de rejet qui sera à l’origine d’une blessure de rejet.
La blessure du rejet est plus souvent vécue avec le parent du même sexe. Elle déclenche une douleur très forte qui peut aller jusqu’à de la haine pour ce parent. Le rejet est vécu comme quelque chose d’inacceptable.
Ce que nous dit Lise Bourbeau sur la blessure de rejet
Un petit pas de côté intéressant ici : Lise Bourbeau nous dit que le parent du même sexe a pour rôle de nous apprendre à nous accepter, à nous aimer et à aimer en retour. Le parent de sexe opposé nous apprend davantage à recevoir de l’amour, à nous laisser aimer. La blessure du rejet nous valide comme personne indigne d’être aimée. Un exemple cité par l’auteur est celui de l’ado en crise qui claque la porte en criant qu’il veut quitter la maison, que tout sera mieux ailleurs. Si le parent est dominé par son égo, sa réaction est de crier plus fort « Eh bien vas-y, montre-moi ça. Bon vent ! » alors l’ado se sent encore plus rejeté. Il a beau savoir que les mots de son parent dépassent certainement sa pensée, sa blessure inconsciente se creuse encore plus.
Certaines remarques humiliantes, désagréables, la colère, la déception ou encore l’impatience d’un parent peuvent aussi donner le sentiment à l’enfant qu’il est rejeté. Vous pouvez réécouter notre épisode sur la blessure d’humiliation #196 pour comprendre la différence avec le rejet.
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Quel est le masque de la blessure du rejet ?
A chaque blessure, Lise Bourbeau associe un « masque ». Il représente l’attitude intérieure et les mécanismes de défense que nous développons et déployons pour ne pas revivre la souffrance liée à nos blessures. Le masque de la personne qui souffre de s’être sentie rejetée est le caractère fuyant. Voici certains traits de personnalité que nous pouvons observer chez les fuyants :
Comment est un enfant qui vit la blessure du rejet ?
Lorsqu’il est enfant, il est plutôt silencieux, petit, discret. Cela pousse sa mère à le surprotéger. L’enfant surprotégé ne sentant pas son parent confiant va donc lui-même se reconnaitre comme quelqu’un d’incapable, ce qui peut nuire à sa confiance en soi. Cette posture du parent accentue son sentiment de rejet car l’enfant ne se sent pas accepté dans ses capacités. Vous voyez bien le cercle vicieux ici. En tant que parent, c’est mon amour pour mon enfant qui me pousse à essayer de lui épargner de la douleur en le protégeant. Je n’ai pas conscience que j’entretiens son impression d’être rejeté.
Je repense à un homme qui me confiait ressentir ça au travail. Son manager agit comme un paratonnerre au-dessus de lui. Il reformule ses phrases lorsqu’il présente en public ou conclut ses présentations, relit ses e-mails avant de le laisser les envoyer et lui évite toute confrontation avec le top management. Sous prétexte qu’ils sont très exigeants et n’y vont pas par 4 chemins pour faire passer des commentaires. Le résultat de cette attitude est que cet homme se sent complètement nul et en vient à mépriser ce manager qui lui renvoie cette image de lui-même.
Logiquement, l’enfant qui vit la blessure de rejet se sent étouffé par la protection parentale. Il développe souvent une croyance selon laquelle être aimé veut dire « être étouffé ». Cela peut le conduire plus tard à fuir ou rejeter les tentatives d’amour des autres car il a peur de ressentir encore cette pression.
Comment se manifeste la blessure de rejet ?
Le fuyant à une très faible opinion de lui-même, il se croit nul, sans valeur. Il se dévalorise continuellement. Les autres sont mieux que lui, il ne fait rien de bien. D’ailleurs, notre épisode #193 J’arrête de me comparer peut vous aider à progresser sur ce front. Il prend le rejet dont il souffre sur lui-même, il ne se sent pas digne d’être aimé, c’est sa faute s’il est rejeté. Comme il s’est senti rejeté par le parent du même sexe, il n’a pas de modèle et cela l’empêche de s’accepter. Il est même perplexe devant les personnes qui lui trouvent de l’intérêt, il a du mal à comprendre qu’on puisse l’apprécier voire l’aimer. C’est ambivalent. Il se sent rejeté et lorsqu’il est choisi, il n’y croit pas et déclenche lui-même le rejet ou le sabotage qui le conduit à rejeter ou à être rejeté.
Exemple
Par exemple, je pense à une femme qui n’arrivait pas à rester dans une relation car elle n’arrivait pas à faire confiance à ses partenaires. Elle pensait toujours qu’ils lui mentaient, qu’ils allaient la quitter. Inconsciemment, elle s’attirait les circonstances pour rejeter ses partenaires ou être rejetée par eux qui, fatigués et incompris, finissaient par la quitter. Elle se sabotait.
Un exemple très révélateur de la faible opinion d’eux-mêmes des fuyants est cité par Lise Bourbeau. Lorsqu’un fuyant se fait couper la parole, il saute directement à la conclusion qu’il n’est pas assez intéressant et il s’arrête automatiquement de parler. Il se remet personnellement en question. Alors qu’une personne qui ne souffre pas de la blessure de rejet pensera que ce qu’elle disait n’est pas intéressant ou important et non elle-même.
Ce manque de confiance en soi pousse le fuyant à rechercher la perfection en tout pour se sentir valorisé par les autres. Il croit que s’il fait une erreur, il sera jugé. Ce qui équivaut pour lui à être rejeté. Il lui devient vital de tout faire bien, sa quête de la perfection peut même tourner à l’obsession car il croit que c‘est une stratégie qui le protègera du rejet. On parle de perfectionnisme dans notre bulle de bonheur #160 Je réussis à vaincre la honte.
La solitude
Une personne fuyante se croit en trop, donc elle recherche la solitude. Car si elle recevait de l’attention des autres, elle ne saurait pas quoi en faire, comment la gérer. Par exemple, un enfant qui vient questionner ses parents sur des questions de sexualité et qui s’entend dire « on verra plus tard, ce n’est pas de ton âge » peut se sentir rejeté. Si cela ravive sa blessure de rejet, il va se penser indigne de l’attention de son parent, pas assez aimable et va fuir dans un endroit pour être seul et éviter de ressentir de nouveau la douleur du rejet. Comme il apprécie la solitude, le fuyant a souvent peu d’amis à l’école ou plus tard au travail. Il est perçu comme quelqu’un de solitaire dont les autres ne cherchent pas la compagnie. Ce qui renforce son sentiment de rejet. C’est un cercle vicieux car plus il est fuyant, moins les autres vont vers lui.
Dans le sillage de cette même idée, les personnes fuyantes sont plutôt taiseuses, elles ne prennent pas la parole, ce qui reviendrait pour elles à occuper l’espace. En groupe, par exemple, ce sont souvent les personnes qui participent peu ou même pas du tout. Elles esquivent aussi le contact physique. En résumé, la personne fuyante est persuadée que si elle vit seule dans son monde, elle ne sera pas rejetée, elle ne souffrira pas.
La blessure de rejet empêche la communication
La peur d’être rejeté empêche le fuyant de communiquer clairement ou de formuler des demandes. Notre épisode #69 Je pratique l’art de la demande peut aider. Il a peur de ne pas être intéressant, d’être jugé comme nul et sans valeur, de ne pas réussir à se faire comprendre, que l’autre l’écoute par politesse ou obligation et montre des signes d’ennui ou d’agacement. Déranger figure parmi ses plus grandes peurs, je vais vous en parler plus tard.
La plus grande peur du fuyant est la panique. Lorsqu’il reçoit de l’attention, il est terrorisé à l’idée d’occuper l’espace, il perd ses moyens. Il croit que s’il prend de la place, il va déranger les autres, les gêner ou les agacer. Il est convaincu qu’il ne saura pas gérer alors il se sauve pour éviter de s’exposer à des situations qui pourraient le paniquer. Or c’est précisément sa peur de ces situations qui leur donne de l’ampleur, qui les rend plus risquées. Donc, le fuyant, en refusant d’affronter sa peur, donne à cette dernière encore plus de prise sur sa vie. Nous avons développé ce thème passionnant dans 2 épisodes #124 Je fais de la peur un ami et #191 J’arrête d’éviter quand j’ai peur. Cette peur est plus aigüe avec son parent du même sexe ou avec des personnes du même sexe.
Comment guérir de la blessure de rejet ?
- Tout d’abord, en prendre conscience ! Prendre conscience que votre blessure est activée et essayez de prendre du recul. C’est faire 50 % du trajet ! C’est faire des liens entre la sensation d’être rejeté et le comportement adopté. Demandez-vous si votre réaction est votre intérêt. Votre réaction va-t-elle faire grandir votre relation ? Observez la situation comme si vous étiez au cinéma et regardez la situation, ce qui se joue. Voilà un bon moyen de mettre votre blessure à distance !
- Vous réalisez ainsi que bien souvent, vous ne vous permettez pas d’être vous-même puisque vous portez le masque du fuyant !
- Pour s’en débarrasser ou plutôt la mettre de côté, travaillez l’affirmation de vous-même ! Osez prendre votre place ! Osez simplement exister !
- Changez votre discours intérieur. Vous savez cette petite voix, ce hamster dans la roue ! Nos pensées négatives sont du velcro !
- Apprivoiser ce sentiment de rejet qui reviendra car c’est votre blessure. C’est vrai, pas hyper confortable, cependant avec cette prise de conscience la politique des petits pas va faire son œuvre, vous allez prendre confiance en vous et votre envie de fuir, de bouder, se sentir bête, rejeter à votre tour va diminuer !
- Pardonnez-vous et pardonnez aux autres de ne pas vous comprendre !
Vous trouverez les bénéfices de se libérer de cette blessure ! Se sentir libre, à sa place, heureux et en prime améliorer vos relations avec les autres.
Et encore…
Et pour tous ceux qui ne se retrouvent pas, repérez les taiseux, les fuyants. Sans les brusquer, accordez-leur votre attention et votre bienveillance. Engagez la discussion ou invitez les dans votre cercle car vous le savez, le lien social et les relations de qualité sont un ingrédient primordial de notre bien-être. Vous pouvez vous replonger dans les bienfaits du lien social dans l’épisode #79 Je créé du lien social.
En bref, si je résume, ceux qui souffrent de la blessure de rejet
- Ils pensent qu’ils n’ont aucune valeur,
- Ils ont peur de paniquer quand ils occupent trop d’espace
- Ils ont besoin de prendre leur place et de s’affirmer
A vous de jouer chers auditeurs, cette semaine, la carte de 2 minutes de bonheur vous suggère de repérer dans un groupe un fuyant et lui adresser un signe, un regard, un sourire ou une parole bienveillante.
La petite mousse de la semaine est un proverbe néerlandais: « Un bon maçon ne rejette aucune pierre »
Avec Bulle de bonheur, prenez le temps d’être heureux !