Angélique Gimenez est une femme qui sourit, qui sourit beaucoup. Ça fait très longtemps qu’elle forme sur le thème des émotions. Son leitmotiv est d’associer tête et corps.
En réalité, les émotions nous permettent de raccorder la tête et le corps. Et le corps d’abord. Angélique Gimenez a une spécialité, c’est la psychotraumatologie.
Tout ce qui touche au trauma, du gros bobo au petit bobo. Donc, ça nous renvoie aussi aux traumatismes d’attachement et aux traumatismes de développement. Elle a d’ailleurs formé Raphaëlle de Foucauld.
Ce podcast est le premier d’une série. Puisque tous les mois nous allons aborder, en fait, les émotions les unes derrière les autres.
Nous allons commencer aujourd’hui par regarder les émotions de manière plus générale pour comprendre un petit peu qui elles sont. Ensuite, nous allons les piocher dans chacune des émotions principales. Cela, pour que vous puissiez réussir à vous réparer, à mieux comprendre, à nommer, à partager aussi. Parce que les émotions, c’est aussi ce qui nous met en relation avec les autres.
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Pourquoi les émotions sont-elles si importantes ? Comment les définir ?
Pour commencer, une émotion, n’est pas une option. En fait, on nait avec, on en est tous dotés. Ressentir des émotions est un don et une chance car tous les mammifères ne partagent pas tout à fait ce don autour des émotions.
L’émotion, c’est ce qui va nous permettre d’être en relation avec l’autre. Et quand nous disons que ce n’est pas une option, c’est que parfois les gens disent « moi je ne sens pas, je n’en ai pas. » En fait c’est impossible de ne rien ressentir ! Quand un bébé naît, il est déjà doté, dans son petit corps, d’un système nerveux autonome. Et il a de quoi déjà sentir et manifester des choses. Bien sûr, à ce stade-là de son développement, il ne peut pas dire « je me sens triste, je me sens en colère, je me sens frustrée » ou autre encore. En revanche, il est déjà doté de tout ce système intérieur qui va lui permettre de piloter et puis finalement d’aller chercher la relation avec l’autre.
Le bébé a donc un système nerveux autonome.
Et puis il a son petit visage, et derrière il y a son petit cerveau qui est en développement. En réalité, on sait que le cerveau d’un bébé, c’est vraiment une fusée. Simplement, une fusée qui ne peut pas se piloter toute seule.
Le bébé a besoin du visage et du cerveau de l’adulte qu’il a en face. Parce qu’à ce stade de son développement, il sent des choses, il a des sensations physiologiques dans son cerveau. Il y a des petites choses qui s’allument, mais il n’est pas encore capable de l’exprimer. Il ne peut pas encore le traduire, hormis par des petits cris, des petits pleurs. C’est l’adulte en face qui va devoir l’aider petit à petit à saisir ce qui se passe en lui.
Les caregivers
Cet adulte c’est ce que nous appelons les caregivers, les parents, les adultes qui s’occupent du bébé. Tous ceux qui rentrent en relation avec le bébé par le toucher, par le regard, par les mots. C’est grâce à ces caregivers que petit à petit, le cerveau du bébé va évoluer. Autrement dit, le bébé va avoir besoin de la prothèse corticale de l’adulte, donc du cortex, ce niveau haut du cerveau, pour pouvoir se développer. Et à terme, son cerveau haut sera bien développé et pourra lui-même évaluer ce que sent son corps, ce qui se passe à l’intérieur de lui. Il pourra ainsi le nommer.
Quelles sont les émotions de base ?
Quand nous parlons d’émotions, nous allons parler de tristesse, de colère, de peur, de dégoût et de joie auxquels nous pouvons rajouter la surprise et mépris.
La surprise est une émotion très éphémère qui amène rapidement à la joie. Ou si ce sont de moins bonnes surprises, à la tristesse. Ou peut-être un petit peu de colère. Du style quand une facture arrive et qu’elle n’était pas prévue. C’est une surprise.
Et puis il y a aussi le mépris qui est un petit peu plus complexe.
Certaines personnes demandent si tout le monde est obligé de ressentir ces émotions. Effectivement oui, ça n’est pas une option. Nous sommes câblés pour pouvoir les ressentir et justement communiquer avec les autres. Après, effectivement c’est plus ou moins ressenti en fonction des cultures et en fonction des familles.
Ce qui entraine peut-être aussi parfois une méprise autour des émotions est le fait que certains essaient de s’en affranchir. Parce qu’au moins quand on pense : « deux et deux ça fait quatre », c’est simple. Quand les émotions viennent s’en mêler, c’est un tout petit peu plus complexe.
Quelles sont les différences entre sensations, émotions et sentiment ?
Ces mots sont un peu cousins germains. Si ces mots sont confondus, ça engendre le fait que plus tard, nous aurons beaucoup de mal à décrire nos émotions.
Définition de sensation
Une sensation c’est par exemple quand on vous pose cette question : « Comment vous sentez-vous là maintenant ?» Et la réponse va être « Moi, j’ai un tout petit peu mal au ventre. » Donc, je sens mon mal au ventre. Et là, je traduis une sensation.
Ou encore « Quelle température fait-il dans la pièce ? ». Ma réponse va être : « Je sens qu’il fait un petit peu frais. Donc, j’ai mis un petit pull. » Nous pouvons sentir la faim, avoir le ventre qui gargouille et nous le sentons.
En résumé, les sensations c’est savoir ressentir et sentir. Nous sommes dotés de pleins de capteurs pour ça. Une chose est sûre, je peux avoir un peu mal au ventre ou je peux avoir un petit peu froid et ça ne me rend ni triste ni en colère ni joyeux ni rien d’autre.
Définition d’une émotion
Une émotion, c’est un tout petit peu plus complexe. C’est un ressenti dans le corps qui est ensuite traduit par la tête. Les ressentis corporels d’une émotion sont universels et identiques à chaque humain.
Démarrons avec le bébé qui n’est pas encore capable de qualifier ces ressentis. Le bébé va avoir besoin d’être aidé et apprendre à reconnaître une émotion pour pouvoir ensuite l’exprimer, la dire. Et c’est grâce aux adultes qui sont autour de lui que petit à petit, il va apprendre que : quand c’est lourd, un peu froid, globalement c’est de la tristesse.
En apprenant doucement, il va finalement faire ce lien entre ce qu’il ressent à l’intérieur et l’émotion. C’est comme si on cliquait le ressenti dans le tronc avec la pensée dans la tête. Donc l’émotion, quelque part, est complexe puisqu’elle prend le senti et petit à petit le pensé. C’est pour ça que c’est un petit peu long à comprendre et à encoder pour l’enfant.
Autrefois, les croyances disaient que certaines personnes étaient dotées d’émotions et pas d’autres. C’est inexact, nous sommes tous dotés de ce système des émotions. En revanche, nous n’avons peut-être pas tous la même chance de voir se développer chez nous ce langage des émotions. Effectivement, lors de formations que j’ai fait autour des émotions, je demande aux personnes de cocher sur des listes d’émotions toutes les émotions qu’elles ressentent régulièrement. Il arrive que certaines d’entre elles aient une colonne vide. En réalité, culturellement ou familialement, certains ont cessé de savoir nommer une émotion ou en nomme une autre à la place. Comme ceux qui ont grandi avec la croyance qu’une femme ne se met pas en colère ou qu’un homme ne pleure pas.
C’est là où il est important de bien comprendre que vous vivons des émotions et qu’il est bon de mettre les bons mots dessus et que le tout n’est pas genré !
Définition d’un sentiment
Le sentiment est un mélange de sensations et d’émotions qui font remonter quelque chose de déjà vécu et connu. Le sentiment appartient donc à chacun de nous.
Même si nous sommes tous dotés d’émotions, même si nous avons un câblage commun, nos émotions sont lissées, patinées en fonction de nos vécus. Ce qui peut aussi parfois créer des discordances, en pensant qu’il y a une bonne façon d’être triste ou une bonne façon d’être joyeux.
En résumé, en cas de stimuli externe ou interne, nous allons vivre un ressenti corporel. Nous pouvons ou non l’entretenir par nos pensées, nos expériences, notre vécu. Arriver et reconnaître l’émotion que vous vivons fait immédiatement redescendre la tension physique induite par le stimuli. Tout est très bien expliqué dans notre podcast #5 Nommer ses émotions
Comment peut-on apprendre à accepter nos émotions plutôt que de les combattre ?
Malheureusement, beaucoup d’entre nous ont identifié leurs émotions comme des ennemis et non comme des alliés. Alors qu’elles sont constitutives de notre statut d’humain, de mammifère. Eviter de reconnaître ses émotions parce que c’est mal vu est une manière de se dissocier de cette part si constitutive de nous. Par exemple, vous pouvez avoir un éclat de rire à un endroit où ça n’est pas bien venu, où trop de larmes, là où il aurait été convenable de pleurer un petit peu moins.
Comment avons-nous pu, sous prétexte de code social, possiblement de convenance, d’éducation, museler nos émotions ? Nous pourrions nous dire, ok, nous avons des émotions, qu’en fait-on ? Comment les pilote-t-on pour mieux les apprivoiser ? Effectivement, de temps en temps, un fou rire n’est pas tout à fait approprié. Et en même temps, c’est normal, de temps en temps, d’avoir un fou rire, quand ce n’est pas le moment.
Les émotions dérangent
En fait, les émotions dérangent parfois parce que nous aimerions être maîtres de nos situations, maîtres de nous. C’est bien ce qui se passe quand nous disons « Prends sur toi, sois maître de toi, ressaisis-toi »
Or, l’émotion a besoin de s’exprimer et c’est simplement après qu’elle peut être contenue et régulée. En revanche, si un de nos partenaires et même nos parents, les profs, tous les gens qui sont là pour nous apprendre et pour nous faire grandir, évaluent que non, les émotions n’ont pas le droit de séjour à tel endroit, il est évident que petit à petit nous ne saurons plus les manier et nous finirons par nous reprocher de les ressentir.
Et du coup, nous n’osons plus du tout exprimer nos émotions. Nous pouvons même nous en sentir honteux. C’est comme si nous tentions de rejeter une grande partie de nos facultés humaines et de notre corps.
Les émotions ressenties
Nous pouvons aussi mettre les émotions sous le tapis. Parce que ressentir une émotion, ce n’est pas toujours agréable. Franchement, qui a envie d’avoir peur ? Qui a envie d’être en colère ? Parce que la colère, nous ne savons parfois pas trop quoi en faire. La peur, c’est super inconfortable. La tristesse, ça vide. Et le dégoût, c’est pareil. Se sentir écœuré, ce n’est pas fun.
Parfois, comme nous ne sommes pas trop à l’aise, nous mettons toutes ces émotions sous le tapis. Avec le risque que ça peut comporter. Parce que tout ce qui ne s’exprime pas avec des MOTS peut s’exprimer avec des MAUX. C’est donc aussi un des risques de combattre nos émotions et d’oublier qu’elles sont nos alliées. Un plus gros problème déclenché par le fait de ne pas reconnaître ses émotions est la dissociation. À force de ne pas nommer nos émotions, nous nous coupons tête et corps. Et à terme, nos émotions vont toutes rester sous le tapis ; y compris la joie. Et la joie, c’est un moteur interne pour partager et être enthousiaste.
Le besoin de ressentir des émotions
En disant que nous n’avons pas envie de ressentir ces émotions désagréables c’est là que nous nous trompons. Parce que ce n’est pas une question d’envie, c’est un besoin. C’est un besoin physiologique. Le système émotionnel va nous permettre de répondre à nos besoins. Prenons l’exemple de la peur parce que c’est une des émotions les plus importantes. La peur nous garde en vie. Donc sans peur, on ne survivrait peut-être pas. Avoir peur de se faire mal, ça évite les accidents et les attitudes trop à risque.
Ne pas laisser les émotions s’exprimer c’est une sanction pour soi. On pourrait qualifier une des plus connues : la dépression. Le moteur interne ne fonctionne plus bien. Et c’est aussi une fracture vis-à-vis de l’autre. Sans émotion, nous sommes en difficulté relationnelle, nous nous sentons seul et isolé.
En résumé, si nous inhibons, si nous refoulons nos émotions, nous allons nous rendre malade. Alors qu’en fait, elles nous mettent sur le chemin de nos besoins, elles sont le moteur de la relation.
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Comment parvenir à nommer ses émotions
Quelles sont les petites techniques de régulation émotionnelle ?
La tristesse : l’émotion qui ralentit
Commençons par la tristesse. C’est dans le tronc, ça ralentit, c’est lourd dans le bas du ventre, c’est froid. Certaines personnes peuvent avoir les épaules basses et la tête qui penche. Bien évidemment, nous pouvons avoir des larmes ou pas. A noter que certaines personnes sont tellement tristes qu’elles n’arrivent pas à pleurer. La tristesse donne aussi comme une sensation de fatigue parce que c’est lié au système nerveux autonome. La branche qui va s’activer est un peu commune de celle de l’état de fatigue. Dans le film de Walt Disney Vice Versa, elle est génialement bien représentée. C’est la petite bonne femme qui, de temps en temps, s’allonge.
La colère : L’émotion qui agite
La colère est un peu l’inverse. Dans Vice Versa, c’est tout rouge, ça s’agite. Là, c’est plutôt en soi, on sent que ça bouge beaucoup. Ça bouillonne d’ailleurs parfois. Ça donne plutôt chaud. Et ça donne justement plutôt l’envie de s’agiter et de s’activer. La colère, au fond, c’est une grosse énergie. C’est pour cette raison que certains la refusent de peur de passer à quelque chose qui serait l’agression ou l’attaque de l’autre.
La peur : l’émotion pour fuir ou s’inhiber
La peur est une émotion particulière parce que normalement elle nous invite à fuir ou à s’inhiber, comme fait la souris face à un chat. Elle peut donc avoir deux dimensions. Une peur normale donne plutôt l’envie de fuir et d’aller chercher du réconfort. Donc elle agite un peu et c’est plutôt froid. En revanche, une peur terrible, une terreur peut figer. Au point d’ailleurs, qu’un peu comme la souris, on puisse être figé sur place. Quel que soit le cas, on a toujours ce froid, Et même si on est figé sur place, on sent bien qu’on a le cœur qui bat très très fort.
C’est cette attaque de sidération dont on entend parler notamment par des femmes qui se sont fait violer ou des personnes qui sont victimes ou spectatrices d’horreurs et qui se retrouvent complètement figées.
Le dégoût : l’émotion du rejet
Quand on vit du dégoût, on a une boule dans l’estomac, un petit peu de reflux. En fait, quelque chose ne passe pas. C’est comme quand on est dégoûté par des aliments. On a envie de vomir pour l’évacuer. Le sentiment de dégoût c’est identique, c’est la sensation qu’on ressent quand des personnes nous dérangent, ont des attitudes qui nous gênent. Ou bien un événement qui a un goût amer…
La joie : l’émotion du partage
Enfin, la joie. C’est l’émotion de l’engagement social et du partage. La joie nous invite à partager. Par exemple quand tu t’occupes d’un enfant, quand tu t’occupes de quelqu’un, si tu montres que tu as du plaisir, ton visage sourit légèrement.
Est-ce qu’on peut être joyeux tout le temps ? Sûrement pas ! Il faut des variables, mais c’est un super antidote à l’isolement.
La joie n’est pas là pour effacer les autres émotions. Les unes existent avec les autres. S’il n’y avait pas de tristesse, la joie serait moins mise à l’honneur.
Il y a des petites joies et des grandes joies. Et c’est important, parce que d’un point de vue physiologique, notamment au niveau du système nerveux autonome, la joie est un régulateur.
Comment reconnaître les émotions ?
Petit à petit, en apprenant à les voir. Finalement, quand nous sentons quelque chose, posons-nous deux minutes. Centrons-nous sur ce qui se passe dans notre corps. Pour qu’ensuite ma tête me dise, « tiens, qu’est-ce que je connais ou je reconnais ? »
Et comme nous sommes des êtres merveilleux, certaines fois, il faudra prendre un peu plus qu’une seconde parce que nous faisons des nœuds. Nous mettons deux émotions en même temps. Certaines situations nous font vivre plusieurs émotions en même temps. Comme tout est mélangé, nous avons du mal à décoder. Par exemple, j’ai un enfant qui a raté un examen. Je peux être à la fois triste de sa déception. Je peux être aussi en colère de son manque de travail. Ou bien je peux aussi avoir peur pour son avenir.
En résumé, les émotions sont parties intégrantes de nous-mêmes. Et elles sont le passe-plat pour la relation sociale.
Alors osons ! Osons être authentiques ! Quand nous sommes authentiques, nous pensons, nous sentons, nous ressentons, nous exprimons nos émotions. Nous avons alors l’art de les teinter en fonction des circonstances. Parce que de temps en temps, ce n’est pas tout à fait le moment !
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En résumé, nos émotions sont nos alliés
- Elles font partie de nous
- Elles nous mettent sur le chemin de nos besoins.
- Et elles sont un moteur de la relation.
A vous de jouer, chers auditeurs. La carte de 2 minutes de bonheur vous encourage cette semaine à prêter attention à ce qui se passe dans votre tronc, à nommer l’émotion qui va avec. Et à réfléchir à la manière dont elle peut être votre alliée dans votre vie quotidienne.
La Petite Mousse de 2 minutes de Bonheur
« Exprimer ces émotions, c’est comme enlever les nuages noirs devant le soleil pour laisser pousser les fleurs. »Bon jardinage ! Bon jardinage !