Écouter… Je suis surprise car certains jours, je suis capable d’écouter mon collègue qui me raconte ses problèmes personnels alors que nous avons un projet à terminer rapidement.
D’autres jours, je suis saoulée par ma fille qui passe son diner à nous détailler sa discussion avec son professeur de philosophie. Et pire, parfois je m’aperçois que je perds le fil et que je n’écoute plus cette bonne amie qui me raconte une fois de plus ses problèmes avec son conjoint.
Que se passe-t-il ? Ai-je des problèmes pour écouter ? Comment faire pour mieux écouter ?
Comment définir l’écoute ?
Écouter est un mot qui vient du latin auscultare. C’est ouïr, c’est bien être attentif à un bruit, à un son de façon volontaire. Ausculter a la même racine ! Amusant !
Savoir écouter fait partie de la communication. On pense toujours à « savoir s’exprimer » quand on parle de communication. C’est bien sûr le cas, énoncer clairement son propos, être organisé, poser sa voix sont importants. Cependant écouter va plus loin. Bien écouter, c’est bien entendre, c’est être attentif à l’autre et savoir se taire. Rappelez-vous dans le podcast #28 j’apprends à écouter, je disais même que si nous avons 2 oreilles et 1 bouche c’est que nous devons sans doute écouter 2 fois plus que nous parlons.
Attitude d’écoute
L’écoute est une attitude dans laquelle on est pleinement disponible. Sans interrompre l’autre, sans juger, peut-être même parfois, sans répondre. C’est simplement laisser parler l’autre. Je suis d’ailleurs souvent frappée de remerciements qu’on me fait. Comme « merci tu m’as aidé » alors que je n’ai rien dit ! J’ai simplement écouté !
Parler permet de formuler ses pensées et c’est une grande aide qu’on néglige parfois en pensant être capable de tout résoudre soi-même !
Dans nos vies super actives, prend-on le temps d’écouter vraiment ? Suis-je vraiment disponible quand mon fils me raconte une dispute avec son frère le soir après le diner ou est-ce que j’écoute d’une oreille distraite ? Il est bien facile de regarder son téléphone ou de répondre, « tu me raconteras cela plus tard » ou « c’est sans importance, ça va passer, tu t’en fiches » ! Et pourtant, mon fils, à ce moment-là, a besoin d’être écouté.
A moi de lui proposer d’en reparler plus tard si je ne suis pas disponible à ce moment-là. C’est une reconnaissance pour lui. Même si le sujet me semble dérisoire, plus tard il saura qu’il peut venir me parler de problèmes plus importants. Il saura que je serai là pour l’écouter. Il est important de garder le dialogue ouvert.
Ecouter et objets connectés
La place des téléphones et des objets connectés dans la vie aujourd’hui a modifié la communication. Il est facile d’envoyer un texto mais bien moins de s’asseoir en face de l’autre pour discuter. Combien j’entends de jeunes humiliés d’avoir été largués par texto.
Parlons aussi de celui qui compulse son téléphone et regarde ses pop-up quand on lui parle de sujets sérieux et personnels. #7 j’ose me déconnecter
Rappelez-vous, les mots représentent seulement 7% de la communication. Le reste de la communication vient du ton de la voix et de l’attitude non verbale.
Pour prendre le temps de s’écouter, 10 rendez-vous qui vont vous faire chouchouter votre couple
C’est le pari du coffret de communication 1 temps pour 2®
Comment pratiquer l’écoute active
Carl Rogers, psychologue américain, va plus loin dans son livre « Le développement de la personne » en 1966. Il nous dit « Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. Comme il est étonnant de constater que des sentiments qui étaient parfaitement effrayants deviennent supportables dès que quelqu’un nous écoute. Il est stupéfiant de voir que des problèmes qui paraissent impossibles à résoudre deviennent solubles lorsque quelqu’un nous entend. »
Carl Rogers est convaincu que les problèmes peuvent s’aplanir par le simple fait de les exprimer, de les verbaliser, si une personne en face écoute de façon active.
L’écoute active est donc une force qu’il est possible de développer. Il va même encore plus loin en suggérant de reformuler la pensée de l’autre, pour être sûr d’en avoir bien compris le contenu. Ces reformulations de la pensée ou des émotions vont éclairer la personne qui entend son discours avec de nouveaux mots.
En effet, une verbalisation différente peut rendre les questionnements plus clairs ou faire apparaitre des solutions.
Comment écouter
A la place du « oh mais c’était une petite vanne de rien du tout, n’en fais pas toute une histoire, tu vaux mieux que ça » lancé à votre amie qui vient de se prendre un vent qui l’a blessée, vous pourriez lui dire. « Je comprends que tu te sens mal, surtout en ce moment où tu te sentais déjà vulnérable. Et j’imagine que le fait de ne pas avoir su réagir t’a mise encore plus mal à l’aise.
On arrive à une notion décrite par les psychologues que Thomas Gordon a appelé l’écoute active, en anglais » active listening » en 1975, à partir des travaux de Carl Rogers. Pour lui, les contenus émotionnels d’une situation sont plus importants que les contenus intellectuels. Cette technique de l’écoute active repose sur plusieurs fondamentaux :
- Accepter l’autre et le respecter
- Être centré sur ce qu’il vit et non sur ce qu’il dit
- S’intéresser à l’autre plus qu’au problème
- Éviter d’interpréter ce qu’il dit mais en être un miroir
Comment faire pour bien écouter ?
Comme nous l’avons vu, l’écoute active implique donc d’être disponible pour l’autre et savoir lui accorder du temps de qualité quand il en a besoin. C’est être prêt à entendre sans juger, à respecter l’autre tel qu’il est et ce n’est pas si facile. Souvent, il est important de faire taire sa petite voix intérieure toujours prête à prodiguer des conseils, à avoir envie d’en savoir plus, à comparer avec son expérience personnelle.
Toutes ces attitudes interrompent la personne qui veut se confier. Et même si l’intention est bonne, ces attitudes sont contre-productives.
Les attitudes de Porter
Le psychologue américain Elias Hull Porter décrit six attitudes qui nuisent à l’écoute : le conseil, le jugement, le support, l’interprétation, l’enquête et trop d’empathie. Essayons de détailler ces points
Le conseil
Le conseil pousse à faire des propositions qui semblent la bonne solution. « Je te conseille de faire ci », « tu devrais faire ceci » « il faut que tu vois.» Ces phrases peuvent être une aide sécurisante, rassurante, une solution immédiate pourquoi pas ?
À l’inverse, le conseil peut aussi déresponsabiliser et enfermer la personne dans une solution toute faite qui pourrait ne pas lui correspondre alors qu’elle serait parfaite pour vous !
Le jugement
Il peut être positif. « Bravo, tu as bien fait de réagir comme cela » qui peut aider la personne. En revanche, le jugement peut être culpabilisant. « Mais quelle idée ! Pourquoi as-tu décidé cela ? » Décourageant « tu n’es pas sérieux » allant même jusqu’à l’humiliation.
Le support
C’est un soutien, une chaleur humaine, une caresse affective sur l’épaule. Ce soutien est alors rassurant, réconfortant. Cependant, il peut aussi être assorti de phrases maladroites comme « ce n’est pas grave, on a tous connu ça, moi aussi… ». Banaliser la situation est un bon moyen pour se rassurer soi-même ou dire quelque chose quand on est un peu gêné (quelqu’un qui pleure, un décès, une maladie…) Et là c’est une moins bonne attitude de compassion.
L’interprétation
Elle propose une explication du comportement, de la pensée ou du discours. Du genre, « tu dis ça parce que tu es jaloux » « visiblement tu n’as pas coupé le cordon avec ta mère ». En interprétant, le risque est grand de bloquer et de fermer le dialogue car la personne ne se reconnaît pas ! En revanche, si l’interprétation est juste et bienveillante, elle peut fournir des éléments qui vont faire cheminer la personne.
L’enquête
C’est poser des questions pour mieux cerner la situation. Intéressant quand le discours est très décousu. Cependant, chercher à connaître des détails en posant trop de questions risque de devenir intrusif. Cette attitude crée de la méfiance, entraine une attitude d’enfermement voire de mutisme et là cela devient contre-productif.
La compréhension empathique est la 6ème attitude.
Elle favorise l’expression et l’autonomie de la personne. C’est une belle attitude d’ouverture ! « C’est compliqué pour toi…», « si je comprends bien, tu … ». Elle devient contre-productive quand elle manque de naturel !
Les atouts de l’empathie
Theresa Wiseman, une infirmière enseignante américaine, a identifié les 4 attributs de l’empathie :
Être capable de voir le monde comme les autres le voient
Nous avons tous des biais individuels sur les situations que nous vivons ou qui nous sont rapportées. Pour faire preuve d’empathie, il est recommandé de nous décentrer pour chausser une autre paire de lunettes que la nôtre.
Ne pas poser de jugement ni être moralisateur
C’’est sans doute l’étape la plus difficile parce qu’elle est tellement opposée à nos réflexes. Tout le monde juge tout le temps. Selon certains chercheurs, il s’agit même d’un biais très fort d’auto-évaluation. La comparaison aux autres permet de jauger ses propres capacités, opinions et valeurs à la lumière de celles d’autrui. C’est généralement dans les domaines dans lesquels nous ressentons le plus de honte que nous sommes le plus enclins à juger les autres. #160 Je réussis à vaincre la honte. Brené Brown observe par exemple que les femmes qu’elle interviewe pour ses recherches jugent davantage les autres femmes sur l’éducation des enfants ou les relations extraconjugales que sur des sujets comme la politique.
Juger nous fait malheureusement du bien. Cela nous revalorise et nous donne l’illusion que nous sommes meilleures. Pour éviter de juger, nous avons besoin de nous connaitre et de nous comprendre nous-mêmes avant de regarder les autres.
Comprendre les sentiments d’autrui
Cela suppose d’être déjà à l’aise avec ses propres émotions et de savoir les identifier. Rappelez-vous nous vous en avons parlé dans notre #140 Je suis émotionnellement intelligent
Communiquer notre propre compréhension des besoins d’autrui
Il y a un petit risque que votre interprétation des besoins des autres ne soit pas la bonne. Prenons l’exemple d’un de vos amis qui vous expose que sa mère est à l’hôpital à la suite d’une mauvaise chute. Bien intentionné, vous lui dites « j’imagine que tu dois être inquiet pour ta mère » et il vous répond « pas du tout, elle est entre de bonnes mains. En revanche je suis très inquiet pour mon père resté seul et pas du tout autonome. Rassurez-vous, ce n‘est rien.
Ce qui compte ce n’est pas d’avoir juste, c’est de montrer que vous avez fait l’effort de vous mettre à la place de l’autre et de communiquer votre compréhension de la situation.
Quels sont les bénéfices d’une belle écoute active ? Comment écouter ?
Entre amis, en famille, cela fortifie les liens. Savoir que nous pouvons parler à une personne proche sans être jugé est une valeur très appréciable et un soutien en cas de problème. Et savoir vers qui se tourner en cas de questionnement ou de coup dur est une sacrée chance !
Au travail, un bon commercial va savoir répondre au mieux à un client parce qu’il a écouté ses besoins. Un bon manager sait écouter ses collaborateurs. Une compétence à développer.
De façon plus générale, les gens qui s’écoutent lorsqu’ils sont ensemble communiquent mieux. Ils réussissent à travailler en équipe, sont plus créatifs et productifs et savent mieux gérer leurs divergences.
Écouter est un risque
Écouter est un risque. Vous ne savez pas ce que l’autre va dire. C’est accepter de se laisser bousculer par des propos qui étonnent, qui surprennent, qui choquent même et qui nous mettent en face de nos limites parfois. # 49 Je montre ma vulnérabilité
Dans le couple, on entend souvent « tu ne m’écoutes pas ». Jacques Salome l’a repris dans ses parutions. La souffrance du conjoint est souvent le sentiment de n’être ni écouté, ni compris. Reconnaître ce que vit et ressent son partenaire est important pour le bien-être du couple.
Et pourtant, parfois, nous oublions d’écouter car nous pensons connaitre l’autre et ses attentes. Ou alors parce que nous ne souhaitons pas entendre ce que l’autre va nous dire, ça peut risquer aussi de briser un équilibre de couple déjà chancelant. « Oh je la laisse râler, ça va passer ». Mais encore, « il s’énerve vite en ce moment, il vit des difficulté au boulot, dans 1 mois ça ira mieux ! ». Ces attitudes montrent l’importance de plonger dans le ressenti de son conjoint !
Installer un climat de confiance autour de l’écouté est très important. L’attitude physique en fait partie. Regarder la personne, lui faire ressentir notre disponibilité, avoir un ton de voix calme.
Il est fort possible aussi de déceler dans ces moments de partage très forts, des questions sous-jacentes, décoder des attitudes, des émotions. C’est là toute la beauté de l’écoute.
Écouter en résumé
- C’est apprendre aussi à s’écouter.
- Écouter aide l’autre à reformuler son discours, à trouver lui-même les clefs du problème,
- C’est avoir en tête les freins qui empêchent d’être disponible.
A vous de jouer chez auditeurs, la carte de 2 minutes en couple vous suggère de demander à votre conjoint de vous raconter sa journée. Vous vous efforcez de ne pas l’interrompre ! Un beau moment à vivre, vous verrez !
La petite mousse est légère cette semaine, et c’est Plutarque qui nous la sert ! « Le commencement de bien vivre, c’est bien écouter »
Avec Bulle de bonheur, prenez le temps d’être heureux