La colère de l’autre… Ce matin en réunion, mon patron, visiblement peu convaincu des réponses à ses questions, s’impatiente, se lève brutalement et éclate… Une chose est sûre, je suis tétanisée et je baisse la tête… Dans les transports, en rentrant de ma journée de travail, le train est à l’arrêt. Ma voisine fait exploser décibels et noms d’oiseaux dans tout le wagon. Je tente de la raisonner « calmez-vous, le train va redémarrer » mais c’est encore pire. Du coup, je change de wagon. Je rentre enfin chez moi et, parce que j’ai le malheur de donner à mon fils un morceau de gâteau coupé en deux, ce dernier, tout rouge, pique une colère et se roule par terre. Et là je m’emporte. Je colle mon fils dans sa chambre.
Et là ça me chicotte. Je trouve que la gestion de mes colères est un vaste programme, mais alors réagir sereinement à celle des autres est-ce possible ?
Comment s’expriment nos colères ?
« Sentir la moutarde me monter au nez », « devenir chèvre », « être rouge de colère ». Nombreuses sont les expressions qui illustrent bien le bouillonnement intérieur et physique lorsque je suis en colère. A travers cette émotion, un signal assez clair m’est envoyé : quelque chose ne va pas. Selon la théorie évolutionniste de Darwin, la colère sert à se préparer pour le combat ; l’énergie physique peut même être décuplée.
La carte corporelle des émotions
Des chercheurs finlandais, ont détaillé les effets physiques des émotions comme la colère et ont établi une « carte corporelle des émotions ». Leurs travaux ont été publiés dans les comptes rendus de l’académie des sciences américaines (PNAS). Ils confirment notamment que les principales émotions humaines sont ressenties physiquement de la même manière pour tous, quelle que soit la culture d’origine.
Pour la colère on observe une augmentation de l’activité autour de la poitrine, « caractérisant vraisemblablement une accélération des rythmes cardiaques et respiratoires ». Également dans les mains et dans les pieds (voilà pourquoi les poings et les coups de pieds viennent vite quand on est en colère !). La colère provoque un changement d’état physique par cette montée en pression et c’est intéressant à savoir pour apprendre à l’apprivoiser chez moi et chez l’autre. cf podcast #27 “je gère ma colère”
La colère
En elle-même la colère est bonne, car elle nous indique une injustice et un besoin de réparation. Une incroyable énergie est libérée. C’est ce que je vais en faire qui sera bon ou mauvais. Mauvaise, la colère peut alors être nocive et paralysante pour l’entourage. Elle peut même souvent s’accompagner d’un esprit de vengeance entraînant alors le rejet de l’autre, une grossièreté dans le ton de la voix ou encore des paroles blessantes et disputes.
Apport de notre éducation
Selon mon éducation, j’ai été plus ou moins « autorisé » à exprimer mes colères, souvent d’ailleurs assez mal vues et interprétées « ce n’est pas bien d’être en colère », « arrête de râler, c’est ridicule ! ». Ça vous parle ? Et j’ai pu me construire ainsi, selon cette croyance que mes émotions ne sont pas bonnes et bienvenues. Je n’ai pas appris à prendre en compte ces émotions. Manque de chance, 90% de notre temps d’éveil est passé à ressentir des émotions. Alors, autant apprendre à les identifier, les comprendre, les utiliser, les exprimer, les réguler. D’autant plus que si je n’en tiens pas compte, il y a fort à parier qu’elles provoquent en moi de grosses secousses ou ressortent d’une autre manière (des maux physiques par exemple comme des troubles du sommeil.)
L’effet cocotte-minute
C’est ce qui se passe avec l’effet cocotte-minute : je cache, je mets sous le couvercle mes contrariétés, petites et grandes. En dessous, ça bout, ça bout, ça bout et un jour « PAAAF ! » ça explose ! Et de manière complètement disproportionnée envers une personne souvent « innocente », mais dont la malheureuse parole, pourtant anodine, a fait exploser en moi toute cette tension accumulée. Cette cocotte-minute pourrait aussi exploser d’une autre manière en me provoquant des maux de dos ou crises d’insomnies.
Il existe trois types de colères
La colère saine
La colère saine qui défend une bonne cause et qui force l’admiration. Elle peut même produire chez nous de la gratitude.
Nous sommes sur le quai de la gare. Coup de sifflet du contrôleur, le train va bientôt repartir. Un monsieur âgé, tente depuis quelques minutes de monter dans le train mais personne n’y prête attention, tout le monde passe devant lui. Témoin de la scène, une femme est consternée. D’une voix forte et ferme, elle s’exclame : « Enfin, pouvez-vous laisser passer ce monsieur et l’aider avec sa valise ? » Dans cet exemple, cette femme a laissé sa colère s’exprimer pour une intention droite, sans provoquer d’esclandre. Elle a dit les choses fermement, pour une bonne intention sans aucun dérapage. De plus, cette colère est constructive car elle est orientée vers le bien. On peut donc qualifier sa colère de colère saine.
La colère manipulatrice
La colère manipulatrice est cette colère qui peut avoir comme objectif d’essayer d’obtenir quelque chose de son interlocuteur. En effet, un cas de figure pourrait être un patron qui hausse le ton contre moi pour obtenir de rester plus tard pour une réunion. Ou un ado qui claque les portes pour réussir à sortir un soir de semaine alors que vous avez dit non ! Dans ce type de cas, la colère est malsaine et nécessite de fuir ou de dire STOP. Laissons de côté tout ce qui touche à la manipulation, cela pourrait faire l’objet d’un autre podcast.
La colère émotionnelle
Enfin, la colère sur laquelle nous nous attarderons plus longtemps est la colère émotionnelle et parfois maladroite dans son expression. Cette colère entraîne injures, grossièretés, paroles blessantes et a de grandes chances de se changer en tristesse et amertume. Si, à bout de patience, je crie sur mes enfants qui n’écoutent pas ce que je leur dis pour la 10èmefois consécutive comme « range ta chambre s’il te plait, habille-toi ou nous allons être en retard à l’école ou le fameux « à taaaaaaaaaaable ! », il y a fort à parier que tout se termine dans les cris et les larmes. En général, je repense à cet épisode avec amertume quelques heures plus tard. A force d’accumuler des contrariétés, il y a un moment où il n’est plus possible de les garder en soi et cela peut se transformer en violence verbale ou physique envers moi ou autrui.
Les timbres psychologiques
J’aime bien la notion des timbres psychologiques, issue de l’analyse transactionnelle développée par Eric Berne. Ce dernier a constaté que la plupart des personnes collectent des timbres pour les échanger contre un certain type de comportement. Cela pourrait être assimilé à des mauvais points que nous attribuons à l’autre sans lui dire.
Par exemple, je suis agacé par mon collègue qui me coupe la parole mais je ne lui dis pas. Inconsciemment, je vais coller un timbre dans mon carnet sur ma relation avec lui. De nouveau, il va me couper la parole en réunion, je vais continuer à lui recoller un timbre ainsi qu’à chaque faux pas. Et un jour, alors que je suis au téléphone, il va parler trop fort à côté de moi et là je vais exploser : “non mais tu ne vois pas que je suis au téléphone là ?” C’est le cadeau que je lui échange contre les timbres ! Comme la cocotte-minute dont on parlait il y a quelques minutes, cela montre que mettre mes émotions sous le couvercle a un prix. Nous allons le faire payer à l’autre par des reproches et agressivité ou à nous même par des maux physiques.
La colère manipulatrice est à fuir, la colère saine force l’admiration et les remerciements, et la colère émotionnelle et maladroite entraîne des réactions disproportionnées.
Nos réactions face à la colère de l’autre
Je ne sais pas pourquoi mais à chaque fois, la colère de l’autre déclenche chez moi des réactions incontrôlables.
Quand je suis face à elle, se met en place un mécanisme de protection naturel, provoqué par les réflexes archaïques de notre cerveau, l’instinct de survie. Les 3F, vous connaissez ? Nous en avons parlé dans le podcast #140 je suis émotionnellement intelligent”
3 types de réaction
En effet, face à l’intensité du stress, trois types de réactions peuvent alors se produire : la réaction combative (fight), la réaction inhibitive qui nous gèle sur place (freeze) et la réaction de fuite et d’évitement (flight).
Fuir, combattre ou se figer, les voici les trois mécanismes face à une personne en colère.
Mais ces réactions sont-elles les plus adaptées ?
Quand je prends mes jambes à mon cou pour fuir la situation, alors je laisse la personne en colère avec son fardeau.
Si je réponds à la colère par la colère « corne contre corne » je peux être sûre d’une chose, mon interlocuteur n’y entendra rien.
Enfin rester figer ne fera pas avancer la situation.
Alors ai-je la possibilité de réagir autrement et ainsi d’aider aussi l’autre dans la gestion de sa colère ?
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Comment gérer la colère d’un proche ?
Calmer une personne en colère en prenant de la distance
Avant tout, quand quelqu’un explose en face de moi je peux apprendre à prendre de la distance et me rappeler que çe n’est pas ma personne qui est attaquée. (le seul cas où ma personne serait attaquée concernerait une colère malsaine qui est un autre sujet et nécessite de fuir à tout prix !)
Voilà un petit exercice simple à réaliser. Vous connaissez la technique de la montgolfière ?
Face à la colère qui gronde en face de moi, je me représente une montgolfière prête à prendre son envol. Je prends la colère de mon interlocuteur, ainsi que l’émotion que cela engendre chez moi et je les dépose dans cette montgolfière. Je regarde alors la montgolfière décoller, s’éloigner jusqu’à devenir un petit point dans le ciel. J’en profite pour respirer par le nez pour faire aussi redescendre ma pression.
Grâce à cet exercice, j’ai non seulement pu prendre du recul mais je me suis surtout décentrée de cette colère, ce qui va me permettre de porter un regard un peu plus objectif.
Désamorcer la colère d’un proche en le rejoignant dans son besoin ou son ressenti
Essayer de comprendre d’où vient la colère de l’autre peut m’aider à mieux réagir ensuite. Une injustice, une valeur bafouée génèrent de la colère. Le corps envoie un signal d’alerte que quelque chose ne va pas et qui nécessite réparation ou écoute. Effectivement, nommer avec simplicité ce besoin ou l’émotion cachée fait bien souvent retomber la colère comme un soufflet ! « Tu trouves injuste que tes amis sortent en semaine et pas toi » à l’ado qui claque les portes et hurle que vous êtes les pires parents. « Vous savez la pression est forte en ce moment pour tout le monde » peut être une piste pour le patron qui explose. La dame dans son wagon peut être rejointe dans sa peur d’être en retard ou de se sentir oppressée dans les transports…
Car il faut bien se rappeler qu’il y a aussi une manifestation physique dans la colère : le cœur s’accélère, la respiration aussi. Sachez qu’un homme met 20 minutes à redescendre en pression. Chercher à rejoindre l’autre dans sa colère, c’est comme si je rejoignais l’autre dans sa tempête émotionnelle, tout en douceur, pour faire dégonfler le ballon de baudruche. Ce sont de bonnes techniques pour désamorcer la situation et faire retomber la pression de la colère.
Faire face à un proche colérique en l’invitant à transformer sa réaction
Maintenant que j’ai pris de la distance et rejoint l’autre dans sa colère, la pression a dû redescendre un peu. Je peux l’inviter à trouver une issue sans réaction disproportionnée.
Et petit conseil, j’évite le « TU » perçu alors comme accusateur.
Je l’invite encore une fois avec douceur, lui-même à la réflexion.
Voilà des petites phrases magiques qui peuvent désamorcer cette colère :
« Y aurait-il une solution, un moyen de trouver une autre manière de travailler ? »
« Que pourrait-on faire pour penser à autre chose que ce train pendant 30 minutes ? cela vous dirait que l’on respire ensemble par le nez ? »
« Une idée pour voir tes amis à un autre moment ? »
Et là, je peux observer chez mon interlocuteur, un changement de ton, une raison qui revient petit à petit, une mâchoire qui se décontracte et mieux encore des excuses !
Finalement cette colère de l’autre demande aussi chez moi du self control et de travailler sur mes émotions. Par ces astuces j’apprends à encore mieux me connaître et mieux communiquer avec les autres.
Les stratégies face à un proche en colère
Vous pouvez
- Prendre de la distance
- Essayer de comprendre le besoin qui n’est pas comblé
- Rejoindre l’autre dans ses émotions
- L’inviter à transformer sa réaction en le questionnant, en l’aidant à trouver une solution
A vous de jouer, chers auditeurs…la carte de 2 minutes de bonheur nous propose que la prochaine fois que quelqu’un se met en colère vous mettez dans la montgolfière sa colère et vos émotions.
Titre H3
La petite mousse de la semaine est haute en couleur et nous vient de Malcom de Chazal. Poète, écrivain et peintre mauricien qui nous dit avec sagesse : « La colère sourcille du regard. La bonté cille des yeux. »