Je pourrais postuler à ce job mais je n’ai que 80% des compétences requises et puis, il y a beaucoup d’inconnu, j’ai peur donc je n’y vais pas.
A l’idée d’aller à ce dîner où je ne connais que la personne qui nous reçoit, j’ai une boule au ventre : vais-je faire bonne impression ? Que va-t-on penser de moi ? J’ai toujours rêvé de faire du football et maintenant que j’ai des fils, j’y vois aussi une super opportunité de partager un bon moment ensemble. Mais j’ai peur de me ridiculiser, de ne pas être au niveau. Et puis, que vont dire les autres ? Est-ce vraiment possible de rajouter ça à notre organisation familiale ?
Et là, ça me chicotte : de quoi ai-je si peur ? Pourquoi est-ce que je laisse mes angoisses guider ma vie ? La peur peut-elle être un ami ?
Je change de regard
La peur est une émotion parmi d’autres, un mouvement qui nous traverse, une réaction chimique à une stimulation extérieure. Elle a souvent mauvaise presse. Il y aurait d’un côté les peureux, les trouillards, les poltrons et de l’autre, les aventuriers, les courageux, les battants. Dans un livre que j’utilise souvent pour expliquer et décrire les émotions fondamentales aux enfants, la peur est noire, la couleur la moins attirante de la palette proposée.
La peur a une utilité
La peur a cependant une utilité primaire. Elle nous avertit du danger et permet à l’organisme de se mettre en branle pour se protéger devant la menace qui se présente. Peut-être avez-vous vu l’excellent film d’animation des studios Pixar « Vice-versa » qui développe le sujet des émotions. Il est adapté aussi bien aux adultes qu’aux enfants.
Les émotions
Parmi les 5 émotions qui habitent le cerveau du personnage principal, il y a un personnage prénommé « Peur » dont – je cite – « la tâche principale est de protéger Riley [la protagoniste] et de veiller à sa sécurité. Vigilant, ce personnage est à l’affût des catastrophes potentielles et passe son temps à évaluer les dangers, les pièges et les risques que comporte chacune des activités quotidiennes de Riley. Rares sont les occupations et les événements que Peur ne trouve ni dangereux, ni potentiellement fatal ».
La peur est un instinct de survie qui permet notamment aux animaux d’éviter les dangers.
Mécanismes biologiques de la peur
Nous vous avons décrit les mécanismes biologiques qui se manifestent devant un stresseur dans notre épisode 120 « J’aime le stress ». La peur permet au corps de mobiliser toutes ses meilleures ressources pour échapper ou résister à un danger. Elle a donc une réelle utilité.
Cependant, la peur ne se limite pas à des réflexes archaïques de survie de l’espèce. Aujourd’hui, nous avons autant peur des araignées que de perdre notre job, de présenter nos travaux à notre équipe ou de déplaire à un groupe auquel nous souhaitons appartenir.
Les sources de la peur
Les sources de nos peurs sont variées et révèlent certains aspects de nos personnalités.
L’ennéagramme
C’est l’ennéagramme qui nous le dit. L’ennéagramme est un outil d’étude de la personnalité. Ses origines remontent au Moyen-Orient avant qu’il ne soit importé en Amérique du Nord au milieu du vingtième siècle. Etymologiquement, le mot vient du grec « ennea » qui signifie « neuf » et de « grammos » qui signifie « point » ou « marque ».
C’est un outil aujourd’hui très enseigné dans le domaine de la psychologie afin d’améliorer la connaissance de soi. Il est notamment utilisé en entreprise pour cartographier des profils et ajuster les plans de carrière individuels.
Les types de personnalité
L’ennéagramme définit 9 types de personnalité qui correspondent à 9 peurs fondamentales :
- L’erreur
- Le rejet : ce sont les types dits « Serviteur » qui ont à cœur de satisfaire les besoins des autres, d’être accepté et reconnus
- Aussi, l’échec
- La banalité : il s’agit du profil « Original » qui ont tendance à déployer d’importants efforts de créativité pour se démarquer des autres et apparaître comme quelqu’un à part.
- Aussi, le vide intérieur : ce sont souvent des profils plus analytiques qui observent, réfléchissent et analysent sur la base de connaissances dont ils sont avides.
- La déviance : ce sont des personnalités qui cherchent la sécurité.
- Mais encore la souffrance
- La faiblesse : ce sont les profils dit « Combattant », qui considèrent le monde comme une source de menaces et sont de nature protecteurs avec leurs proches.
- Et enfin, les conflits
Vous voyez clairement combien ces peurs renvoient à notre personnalité, à nos forces et à nos besoins individuels. Vous pouvez réécouter nos épisodes 24 « Je reconnais mes talents » et 12 « J’identifie mes besoins » pour apprendre à identifier vos talents et apprivoiser vos besoins. Le modèle de l’ennéagramme n’est pas parfait mais il a le mérite de nous aider à appréhender l’éventail de nos peurs et de mieux comprendre nos réactions à celles-ci.
La peur perçoit les menaces
Notre cerveau ne fait pas la différence entre une menace concrète pour notre survie. Comme une météorite qui se dirige droit sur nous et l’angoisse que crée l’anticipation d’une situation désagréable. Il déclenche les mêmes mécanismes : l’immobilisme, la fuite ou l’attaque.
De plus, les expériences désagréables imprègnent davantage notre mémoire que les moments positifs. C’est pourquoi nos peurs fondamentales sont si ancrées et gouvernent des réactions qui à force de répétition deviennent des réflexes dont il est difficile de se défaire.
La prise de décision
Naturellement, notre cerveau contrôle nos prises de décision selon deux critères : la recherche de plaisir et l’évitement de la souffrance.
Tout se passe au sein d’une structure appelée le Pallidum Ventral. Celui-ci reçoit les signaux lui permettant de se demander si l’action à poser va nous apporter une sensation positive de plaisir ou si elle va nous permettre d’éviter un inconfort, un danger, une source d’émotions négatives.
C’est ce circuit de motivation dit « négatif » qui est à l’origine de nos stratégies d’évitement de nos peurs.
L’évitement de la peur
L’évitement expérientiel est une stratégie dont l’objectif est d’éloigner tout contact avec toutes les expériences désagréables qui génèrent des pensées, des émotions, des sensations physiques inconfortables ou négatives. Il peut s’agir de comportements concrets.
Par exemple, depuis que j’ai vu « Les dents de la mer », j’ai une trouille bleue qu’un grand requin blanc affamé vienne se promener près des côtes bretonnes. Aussi, tous les étés, j’évite la plage et les multiples propositions de baignade. J’évite ainsi d’avoir à expliquer, justifier ce que je sais être une phobie irrationnelle et un peu ridicule.
Mais nos réflexes d’évitement peuvent être beaucoup plus subtils. Par exemple, j’ai très envie d’être une bonne mère disponible pour tout le monde. Mais parfois je dois reconnaître que j’ai besoin de solitude, de calme, de prendre de la distance.
La peur et la culpabilité
Il arrive aussi que je sois sur un projet passionnant au boulot et que j’aie envie d’y passer tout mon temps. Dans ces instants, je suis envahie par une grande vague de culpabilité et je me sens profondément mal. Cette culpabilité me terrorise, aussi je mets tout en œuvre pour l’éviter.
Je surinvestis la relation avec mes enfants, je suis dans l’abnégation permanente, je suis disponible pour tous à chaque instant, je suis la variable d’ajustement de la maison. Je refuse les invitations à des verres avec des amies, je fais de plus en plus de télétravail, j’absorbe progressivement une part de plus en plus importante de la charge mentale.
Inconsciemment, je développe des mécanismes qui me protègent contre ma potentielle culpabilité. Cependant, nous sentons bien combien cette stratégie repose sur une négation de mes besoins.
Stratégie de contournement de la peur
Ma manière de réagir a aussi le défaut de contourner le problème à la source de l’inconfort ce qui m’empêche de le comprendre et de chercher des solutions. Ce sont notamment des stratégies très empruntées par les enfants qui manquent de recul émotionnel.
Par exemple, un enfant qui a reçu une mauvaise note va accuser la maîtresse de le sanctionner pour autre chose ou de ne pas l’apprécier. Cette excuse lui permet de ne pas trop se faire gronder à la maison. Mais c’est aussi probablement parce qu’il est plus confortable pour lui de blâmer quelqu’un d’autre que de faire face à ses propres difficultés scolaires et à son sentiment d’échec.
Un autre exemple typique est une enfant qui a du mal à socialiser avec ses camarades mais préfère se présenter comme solitaire. « Je préfère jouer seule » est plus facile à reconnaitre que de creuser pourquoi elle a tant de difficultés à se faire des amis. Ce n’est pas seulement une justification auprès des adultes, c’est aussi une histoire qu’elle se raconte à elle-même.
L’adaptation à nos peurs
Ces exemples mettent en lumière le risque lié à ces stratégies d’adaptation à nos peurs par évitement. Au début, en effet, nous ressentons un soulagement temporaire. Cette approche parait éloigner la source d’angoisse de façon efficace. Cependant :
- Cela augmente l’emprise de notre peur. A force d’ajuster nos comportements, nous nous sentons capables d’éviter notre peur mais nous nous ressentons aussi proportionnellement incapables de l’affronter.
- Cette approche va renforcer notre appréhension. L’araignée que je ne suis jamais allée voir en face dans mon grenier continue de grossir, je me sens encore moins prête à la regarder en face.
- C’est un éternel recommencement. Tant que les sources de notre peur ou les besoins qui s’y rattachent ne sont pas satisfaits, elle reviendra inévitablement. Dans ce cas, le vrai enjeu est à chercher !
- L’évitement est une stratégie réactive qui me donne l’illusion de reprendre le contrôle de la situation. Alors que c’est tout le contraire qui se produit puisque je laisse implicitement ma peur prendre encore plus de place et gouverner mes actions.
- Enfin, l’évitement est une stratégie limitante qui réduit le champ des possibles, qui bride ma liberté d’action pour m’éviter toute émotion négative.
Effets de l’évitement de la peur
L’évitement agit donc comme un amplificateur de malaise qui vient nourrir mes croyances limitantes comme « Je ne suis pas capable de faire une présentation en public » ou « je ne suis pas capable de nager là où je n’ai pas pied ». #29 je dépasse mes croyances Des études ont même démontré que les personnes qui fuient le plus leurs peurs ou mettent un couvercle sur leurs émotions pour éviter de les ressentir ont une plus forte propension à la dépression.
Pour reboucler sur l’ennéagramme, ce dernier apporte une lecture un peu plus approfondie et démontre que nos 9 peurs fondamentales sont à l’origine de ce que nous allons naturellement rechercher, de ce qui va le plus compter pour nous.
Respectivement : la perfection, le service, le succès, être unique, le savoir et les connaissances, le respect des règles, le plaisir, le contrôle et la paix. Nos peurs sont donc profondément structurantes.
Changement de regard sur la peur
Alors comment vivre avec ses peurs ?
Tout d’abord, je voudrais vous parler de quelque chose d’assez contre-intuitif. Pour limiter l’emprise de la peur, mieux vaut l’accueillir.
Un soutien « psy » indispensable pour un passage à la retraite positif ! Un apprentissage de l’accueil de ses émotions
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Accueillir ses émotions
Notre société met beaucoup de barrières aux émotions. Elles sont en général assez mal vues, il est plus toléré de ne pas faire de vague et de rester d’humeur égale. Pourtant les émotions quelles qu’elles soient ont une utilité : elles sont un signal qui nous dit quelque chose.
Leur prêter attention et les laisser nous envahir est une bonne approche pour comprendre ce qui se cache derrière elles, ce que notre corps essaie de nous dire.
J’aime souvent comparer les émotions à une voiture. Vous êtes au volant, tout se passe bien, puis tout à coup un voyant rouge s’allume, c’est une émotion. Que se passe-t-il si vous n’y prêtez pas attention ? Un autre voyant risque de s’allumer, et vous avez la même stratégie, vous l’ignorez.
Le risque est que tous les voyants s’allument et la voiture cesse de fonctionner. Et pour comprendre l’origine de la panne c’est assez compliqué ! Comme pour les voyants de la voiture, le bien-être durable passe par l’écoute de soi-même et de ses émotions.
De nombreuses études ont démontré qu’être connecté avec ses émotions, les accepter était directement corrélé à de meilleurs résultats thérapeutiques.
Par exemple, lorsque je n’ose pas accepter une promotion, qu’est-ce que cette peur dit de moi ? Que je ne me sens pas capable d’assurer le poste au-dessus ? Ou que je n’ai pas envie d’avoir davantage de responsabilités ? Ou bien encore que j’ai peur des conséquences sur ma charge de travail ou mon équilibre vie pro-vie perso ?
Suis-je tannée de l’entreprise pour laquelle je travaille ?
Savoir les accueillir
Accueillir ses émotions n’est pas toujours confortable, cela implique de se poser des questions désagréables. Cependant les bénéfices sont profonds et durables.
Pour cela, développez un dialogue authentique avec vous-même et arrêtez de vous auto-juger. Plusieurs épisodes peuvent vous y aider : épisode 39 « Je pratique l’auto-compassion », « J’apprivoise mon ombre » épisode 110 et « Je prends le temps de l’introspection » épisode 103.
Développer notre confiance en nous !
En complément, nous pouvons développer notre confiance en nous. Mais pas de n’importe quelle manière. Dans un article paru en 1952, Bernice Milburn Moore démontre que – je la cite – « la confiance en soi sans la compétence est tout aussi inutile que la compétence sans la confiance en soi ». Dans cette publication destinée aux enseignants américains, elle nous rappelle que l’estime de soi s’appuie sur la confiance dans ses propres capacités et dans les compétences que nous développons tout au long de notre vie.
Elle nous rappelle aussi que les compétences non mises en pratique se perdent avec le temps. Si chacun nait avec un bagage de talents particuliers, la connaissance, la curiosité et l’apprentissage sont à la portée de tout le monde.
Étapes pour développer de nouvelles compétences
Pour développer de nouvelles compétences et se libérer de nos peurs limitantes, nous pouvons appliquer les étapes suivantes : apprendre, puis mettre en pratique, observer les résultats, se sentir progressivement plus confiant et ainsi de suite. Que la mise en pratique soit un succès ou un échec, nous nous nourrissons des fruits de nos apprentissages, nous mûrissons et surtout nous reprenons partiellement le contrôle de la situation de façon constructive.
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La peur qui engendre la fuite
La fuite est une stratégie qui apporte un soulagement rapide mais de court terme et fragile. Tandis que l’amélioration de nos compétences et de notre confiance en nous sont durables et nous influencent positivement en profondeur. Le meilleur moyen d’accroitre ses peurs est l’immobilisme.
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Changer de regard sur les événements
Pour appuyer votre confiance en vous, vous pouvez aussi essayer de changer votre regard sur les événements. Il est des choses sur lesquelles nous pouvons avoir un contrôle et d’autres non. Lâcher prise sur ce qui nous échappe donne de la légèreté à l’évènement et diminue la culpabilité.
Lorsqu’une présentation ne se passe pas comme vous vous y attendiez, ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain ! Ne sautez pas directement à la conclusion que vous avez échoué, cela nourrit votre appréhension devant ce genre d’exercice. Il y a souvent d’autres facteurs à prendre en compte : un mauvais timing, vos collègues/votre boss sont préoccupés par d’autres sujets, votre sponsor est absent. Ou bien tout simplement, l’idée est excellente mais elle mérite encore un peu d’effort d’analyse. Bref, une présentation ratée est souvent due à de nombreuses circonstances.Notre Bulle de bonheur 21 « Je lâche prise » vous donne des pistes concrètes.
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Autre idée :
Comme je vous le disais, affronter ses peurs est encore la meilleure solution pour réduire leur emprise sur nous. Cependant, je vous déconseille de sauter directement dans le grand bain d’un coup. Au contraire, adoptez une approche par petits pas. Concentrez-vous sur un aspect ou une mise en situation en particulier. Par exemple, je suis terrorisée à l’idée de me retrouver seule dans un endroit fait pour socialiser comme un bar, un afterwork ou un cocktail.
La seule perspective de passer même seulement quelques minutes seule au milieu de gens qui se retrouvent me donne des palpitations. Du coup, je suis extrêmement mal à l’aise dans ce genre d’environnement, ce qui me bloque encore plus si quelqu’un que je ne connais pas vient me parler. Comme une prophétie auto-réalisatrice.
Je n’ose rien dire, les questions se bloquent dans ma gorge, je sens que je renvoie une image d’une banalité affligeante. Dans ce cas précis, pourquoi ne pas commencer par apprendre à me présenter de façon un peu amusante ou percutante et à avoir des interactions courtes mais chaleureuses avec mes collègues à la machine à café, dans l’ascenseur ou bien en introduction d’une réunion. Contrairement aux idées reçues, ce genre d’aptitude s’apprend aussi en y allant progressivement.
Il ne s’agit pas d’aller à l’encontre de votre nature mais simplement d’apprendre à dompter vos peurs si vous sentez qu’elles vous limitent. Vous pouvez réécouter notre Bulle de bonheur 87 « J’ose ».
En bref, si je résume
- La peur est une émotion universelle. Même les plus courageux ont peur de quelque chose.
- Elle est un signal fondamental qui renvoie à notre personnalité et à nos besoins
- Les stratégies d’évitement sont une source de soulagement sur le moment mais augmentent l’emprise de nos peurs et créent des croyances limitantes.
- Prendre confiance en soi, circonscrire son champ de responsabilité réelle et oser progressivement prendre quelques risques mesurés sont autant de pistes pour mieux vivre avec nos peurs
A vous de jouer chers auditeurs, une carte de 2 minutes ensemble vous propose de suivre le conseil d’Eleanor Roosevelt qui nous sert la petite mousse de la semaine « Faites chaque jour quelque chose qui vous effraie ». Lancez-vous un petit défi et observez, notez comment vous vous sentez après.
Avec Bulle de bonheur, prenez le temps d’être heureux !