Parfois, je me surprends à fonctionner en pilote automatique. Je prends souvent la même chose au restaurant. La plupart du temps, je vote sans même avoir consulté le programme des candidats. Pourtant, je suis persuadée que mon choix est le bon. Je m’offre un vêtement qui revient sans cesse sur mon flux Facebook. Cependant je ne connais pas cette marque ni sa qualité ni sa provenance. Je n’ai aucun talent artistique ; d’ailleurs dès que j’essaye de faire un bouquet de fleurs ça le confirme…
Et là ça me chicotte. Bien souvent mes actions viennent confirmer ce que je pense de moi ! Pourquoi m’arrive-t-il de me tromper lorsque je pose des choix dans des situations simples et sans enjeux ? Serais-je sous l’influence de biais cognitifs dans mes prises de décisions ou mes jugements ? Toutes mes décisions sont-elles bien rationnelles ?
Qu’est-ce qu’un biais cognitif en psychologie ?
Notre cerveau nous joue des tours. Contrairement aux idées reçues, notre prise de décision n’est pas toujours aussi neutre et rationnelle que nous voudrions bien le croire. Nous avons bien souvent recours à nos biais cognitifs. Un processus de pensées rapides qui peuvent nous conduire à des erreurs de perception, de raisonnement. Mais aussi d’évaluation, d’interprétation, de jugement, d’attention…
Le concept de biais cognitif a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2002) et Amos Tversky. Ils ont ainsi expliqué certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique.
Exemples de biais cognitifs
Plusieurs exemples dans l’actualité nous le prouvent d’ailleurs. Les faits sont souvent interprétés de façon différentes par plusieurs groupes de personnes. Même lorsqu’ils sont appuyés par la science comme cela a été le cas pendant la pandémie de Covid.
Ou comme c’est le cas par exemple pour le changement climatique. Certains groupes soutiennent que les changements climatiques seraient une manipulation ayant pour objectif de ralentir l’activité économique et de soutenir certaines industries contre d’autres. D’autres soutiennent que nous sommes condamnés à très court terme si nous ne changeons pas radicalement nos modes de vie. Le sujet déchaine un fort niveau d’activisme. Et même les gouvernements sont attaqués pour leur action estimée insuffisante.
Pourtant, les rapports scientifiques se multiplient pour donner une vision neutre et analytique du phénomène. Pour équiper la population et les gouvernements à prendre des décisions. Quelle que soit l’opinion de chacun sur ce sujet ou un autre aussi clivant, ces écarts de perception et de réaction révèlent des mécanismes sous-jacents de notre cerveau. Des biais cognitifs que nous portons tous en nous et qui influencent malgré nous notre capacité d’analyse et de décision.
Comme nous disposons rarement d’une visibilité complète sur toutes les informations nous permettant de prendre une décision ou de porter un jugement, nous utilisons des raccourcis mentaux. Ce sont des opérations rapides, efficaces, intuitives et automatiques, influencées bien souvent par nos biais cognitifs.
Nos biais cognitifs agissent comme des filtres.
Plus de 250 biais ont été recensés, je vous propose cette semaine de vous en décrire quelques-uns. La semaine prochaine nous explorerons leur utilité et comment les utiliser au mieux pour prendre les décisions les meilleures !
Biais de confirmation
Lorsque plusieurs informations nous sont présentées pour analyser une situation, nous avons naturellement tendance à sélectionner celles qui vont dans notre sens, qui confirment notre façon de penser. Nous avons tous des croyances a priori sur de nombreux sujets et notre cerveau cherche naturellement à les confirmer.
Par exemple, vous voulez changer de téléphone portable. Vous connaissez mieux a priori certaines marques plutôt que d’autres. Peut-être parce que vos pairs, votre famille utilise la marque A ou parce que vous êtes abreuvé de publicité ou que vous avez entendu de bons échos. En revanche, vous connaissez mal la marque B, vous ne connaissez personne qui l’utilise et vous n’avez jamais manipulé un smartphone de cette marque. Lorsque vous allez faire votre shopping, vous allez vous renseigner sur les capacités des téléphones, lire des retours clients, peut-être consulter un vendeur, comparer le rapport qualité-prix, etc. Pourtant, même avec cette approche en apparence neutre, votre cerveau va interpréter toutes les informations que vous collecterez pour confirmer que le téléphone de la marque A est vraiment celui qui vous convient le mieux.
Que dire du biais d’ancrage !
Il s’agit d’utiliser la première information à notre disposition pour l’utiliser comme référence et point de comparaison aux autres ! Ce biais cognitif est valable tant pour les situations que pour les personnes ! Pour ceux qui sont allés en Asie, pensez à l’expérience de manger du Durian. L’odeur de ce fruit est tellement épouvantable que cette impression nous empêche d’en apprécier le goût ! Ou encore l’élève qui arrive au 1er court en retard est catalogué comme « jamais ponctuel ». Une belle étiquette est collée ! podcast #36 je décolle les étiquettes.
Tout bon commercial ne commence jamais par annoncer le prix ! Il vante d’abord les talents de son produit, à moins qu’il commence par le prix lorsque celui-ci est imbattable !
Je vous laisse aussi imaginer le pouvoir du biais de conformité que nous utilisons quand nous suivons l’avis du plus grand nombre pour nous intégrer socialement.
Biais d’optimisme
Il illustre notre tendance à surestimer les informations qui nous poussent à penser que le meilleur reste à venir. Et à sous-estimer celles qui vont dans le sens contraire. Ce biais a été révélé dans les années 80 par des études menées sur des étudiants qui ont conclu que la majorité d’entre eux croyaient que leur risque de divorcer ou de développer une addiction à l’alcool était plus faible que la réalité.
Encore plus percutant : une étude menée par la psychologue Tali Sharot en 2011 a démontré que même lorsque nous avons connaissance du niveau de risque objectif, nous l’accueillons différemment selon qu’il est à notre avantage ou non. Il a été demandé aux participants d’évaluer la probabilité d’un événement négatif comme le fait de développer un cancer. Les chercheurs ont ensuite fourni la probabilité exacte aux participants. Les participants qui avaient évalué la probabilité plus forte que le chiffre réel ont reçu une bonne nouvelle : ils ajustent donc leurs croyances. A l’inverse, les participants qui avaient évalué un risque plus faible ont reçu une mauvaise nouvelle, ils n’en tiennent pas compte et ne modifient pas leur croyance.
Le biais d’optimisme est bien connu des entrepreneurs par exemple, ou de tous ceux qui développent des projets. Ces derniers ont naturellement tendance à penser le projet comme une aventure linéaire, avec un progrès croissant dans le temps. Leurs estimations de temps sont parfois irréalistes et ils peuvent sous-estimer les obstacles qui vont se présenter. C‘est le biais d’optimisme qui parle. D’ailleurs si le sujet des projets et de la motivation vous intéresse, je vous recommande de réécouter notre épisode #81 Je reste motivé avec le WOOP.
Biais d’optimisme et perfectionnistes
- Le biais d’optimisme est d’autant plus fort que nous nous estimons capables ou équipés pour contrôler les résultats de nos actions. Par exemple, les personnalités perfectionnistes sont plus exposées à ce biais. Il s’exprime aussi plus fortement si nous estimons que les circonstances négatives qui pourraient nous freiner ou les obstacles sont peu probables. Cette réaction de notre cerveau répond à un besoin de défense de soi et réduit l’anxiété du sujet. C’est une sorte de mécanisme de défense qui nous donne l’illusion d’être protégé contre les menaces et nous valorise. Cela contribue à notre bien-être psychologique.
- Pour en savoir plus sur les vertus de l’optimisme, je vous conseille de réécouter notre épisode #23 Je suis optimiste.
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Le biais de disponibilité
Il a été révélé par les psychologues israéliens Amos Tversky et Daniel Kahneman. Il stipule que nous estimons la probabilité d’un événement selon notre facilité à nous souvenir d’occurrences passées. Par exemple, nous évaluons plus probable un accident d’avion qu’un accident de voiture en raison de l’abondante couverture médiatique des accidents d’avion. Il est pourtant objectivement bien moins probable que celle d’un accident de voiture. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a tant de campagnes de sensibilisation à la sécurité routière – pour contrer ce biais.
Le biais de simple exposition
Il a été mis en évidence par les recherches menées par le psychologue Robert Zajonc de l’université de Stanford. Il démontre que l’exposition prolongée à des stimuli crée de la familiarité qui se transforme avec le temps en sentiment de les apprécier.
Par exemple, si tout au long d’une campagne électorale, vous êtes exposé(e) aux portraits des candidats, vous allez finir par vous sentir proches d’eux et peut-être même par les apprécier, ce qui pourrait influencer votre vote. C’est le même mécanisme sur lequel jouent les publicitaires pour influencer nos décisions d’achats. Ce biais nous permet de réduire l’incertitude que représente notre environnement extérieur pour réduire notre sentiment de risque. Le monde nous apparait plus familier et donc plus compréhensible, ce qui se traduit par une augmentation de notre bien-être.
Le biais de négativité
C’est en 2001 que Paul Rozin ett Edward Roysman de l’université de Pennsylvanie ont mis en avant le biais de négativité. C’est notre tendance à donner plus de poids aux informations et aux expériences négatives qu’aux positives et à s’en souvenir davantage.
L’origine de ce biais vient de l’Evolution où, au temps de l’homme de Cro Magnon, celui qui faisait d’avantage attention aux dangers avait plus de chances de survie. Aujourd’hui, nous en sommes les héritiers et ce biais nous fait d’avantage retenir les échecs que les réussites, les paroles désagréables que les paroles valorisantes…
Avoir conscience que ce biais est en nous est le 1er moyen pour moins le subir ! C’est aussi une bonne invitation à prendre du recul !
Le biais de croyance
Avec Le biais de croyance, nous produisons une hypothèse et une prise de décision uniquement en fonction de nos désirs et de ce qui nous plait d’imaginer. Les croyances deviennent la référence pour évaluer une conclusion et ce, indépendamment de toute logique. Ainsi, des erreurs de logique seront ignorées si la conclusion correspond aux croyances. (Cf Podcast #29 Je dépasse mes croyances)
Avec le biais de croyances nous regardons uniquement les signaux qui viennent renforcer notre croyance et nous ignorons les signaux contradictoires.
Que se passe-t-il quand nous sommes victime du biais de croyance ?
Nous passons par 3 stades
- Étape 1. Le rêve : les choses vont à peu près comme nous le souhaitons. Cependant, la réalité nous rattrape et nous passons au stade suivant.
- Étape 2. La frustration : les choses sont différentes de nos souhaits et nous faisons des tonnes d’effort pour nier la vérité.
- Étape 3. Le cauchemar : la réalité s’impose de plus en plus, c’est le drame et l’unique moyen de s’en sortir est d’anéantir la croyance.
A l’extrême, quand nous souffrons du biais de croyance, nous nous enfermons dans nos croyances. Nous souffrons d’un sentiment d’injustice et pouvons avoir tendance à reporter la faute sur l’autre. Cas bien classique que je rencontre en accompagnement de couple, quand la croyance de « il m’aime alors il me comprend » est très ancrée.
A noter également que les systèmes de désinformation misent sur la puissance de nos croyances.
En résumé, les biais cognitifs
Nous utilisons ces biais cognitifs pour éviter avant tout d’être noyé(e) par une masse d’information. C’est d’ailleurs ce que nous faisons lorsque nous arrivons à être attentif à une conversation dans un hall de gare ou que nous nous concentrons dans le train avec un enfant qui braille !
De plus, notre cerveau sait combler des trous quand il nous manque des informations. Soit en inventant, soit en se référant à une situation connue. Nous avons tous réussi à comprendre le sens d’une phrase même si certains mots nous échappent.
Dans le but d’aller vite et de prendre des décisions, notre cerveau se sert d’automatismes comme les biais cognitifs pour traiter toutes ces informations qui nous assaillent.
Rendez-vous dans notre prochain épisode pour mieux comprendre les biais cognitifs et mieux les utiliser !
En bref si je résume
Les biais cognitifs
- sont une déformation de notre cerveau
- Influencent nos prises de décision
- génèrent une prise de décision rapide
2 minutes pour
A vous de jouer chers auditeurs, la carte de 2 minutes de bonheur vous propose de revisiter vos décisions récentes en évaluant à quel point elles ont été rationnelles. Si vous identifiez des biais en action, demandez-vous s’ils vous ont aidé à prendre des bonnes décisions ou au contraire, s’ils vous ont induit en erreur.
La petite mousse
La petite mousse de la semaine nous vient du sociologue et philosophe Edgar Morin qui nous confie « L’intelligence ce n’est pas seulement ce que mesurent les tests, c‘est ce qui leur échappe »
Avec Bulle de bonheur, prenez le temps d’être heureux !