Ah le plaisir… J’ai tellement envie de chocolat ! Même si je m’étais dit que je coupe le sucre ces temps-ci. Mais ce soir, je me fais plaisir ! Allez ! C’est vendredi ! Et ce petit pull qui me fait de l’œil depuis des semaines dans la vitrine ! Allez ! Je me lâche, ça me fait du bien !
Et ce vélo génial que je regarde depuis des mois ! Qu’est-ce que ça me fera plaisir quand je pourrai enfin l’acheter ! Cette attention de la part de mon chéri, qu’est-ce qu’elle me plaît !
Avec plaisir. J’ai le plaisir de vous annoncer que… Plaisir, plaisir.
Ce mot fait partie de notre quotidien. Sans lui, notre vie serait certainement bien fade. Et là ça me chicotte. Est-ce mal d’aspirer au plaisir ? De s’en donner ? Est-il le bonheur ?
Quelle différence entre plaisir, joie, bien-être
Quelques définitions
Pour commencer, remettons à leur place tous ces mots se rattachant au plaisir, qui, même s’ils se ressemblent, ne sont pas tout à fait pareils. Joie, plaisir, jouissance, bonheur, bien-être…
Le plaisir est une « Sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d’un désir, d’un besoin matériel ou mental ».
Le Bonheur : état de pleine satisfaction. Par exemple, le bonheur d’aimer.
La Joie : Émotion agréable et profonde, sentiment exaltant ressenti par toute la conscience. On parle aussi d’une émotion liée à une cause particulière.
Le Bien-être : Sensation agréable procurée par la satisfaction de besoins physiques, l’absence de soucis.
Toutes ces définitions nous viennent du dictionnaire Le Robert.
Même si elles sont réduites à leur forme la plus simple, elles nous aiguillent certainement déjà sur ce qu’est le plaisir et ce qui le distingue.
À quoi sert-il ?
Évidemment, on ne peut vivre que pour lui. Pensons par exemple au plaisir d’avoir sa dose pour un cocaïnomane, ou de boire jusqu’à être satisfait pour un alcoolique… Sans jugement, cela n’est probablement pas le chemin par lequel une personne développe des comportements et des relations sociales saines sur le long terme.
Mais le plaisir est essentiel à notre survie ! En effet, sans lui, nous sommes condamnés à nous laisser mourir. Pourquoi ? Parce que grâce à lui, nous avons la « motivation », qui est à la base de l’instinct de survie de l’humain.
Ainsi, faut-il bannir l’idée que rechercher ou ressentir le plaisir est mal ou artificiel. Ne faire QUE le rechercher n’est pas un mode de vie viable, mais ne jamais y tendre non plus. Entrons plus en profondeur dans ce processus de motivation.
Continuum de la motivation :
Dans la psychologie des émotions et de la motivation, le concept de plaisir s’applique directement à la motivation dite «intrinsèque» (Deci et Ryan, 2002), dans le continuum de la motivation.
En gros, c’est le «Ah ouais! Trop chouette ! Je suis hyper motivée… d’aller en voyage ! D’aller chercher un colis à la Poste ! D’aller au boulot». Toutefois, nous ne pouvons fonctionner socialement qu’en agissant par plaisir. Car certains matins, mon boulot, je lui ferais bien prendre le bord et resterais au chaud dans mon lit.
Le continuum de la motivation va de l’amotivation (0 motivation) à la motivation intrinsèque (intérêt et satisfaction ++). #125 J’entretiens ma motivation
Motivation extrinsèque
Comment je me lève de mon lit les matins où je n’ai pas très envie d’aller au boulot ? C’est grâce à un processus d’autorégulation qui se décline en plusieurs catégories de motivation extrinsèque :
- Externe : par obligation, pour éviter quelque chose, par exemple une punition ou obtenir une récompense).
- Introjectée : par pression «externe», je me sens obligé. Le fameux «il faut que…». Ou encore lorsque j’agis par honte ou culpabilité.
- Identifiée : je fais une action qui m’est utile, qui a une certaine importance. Par exemple, toucher un salaire.
- Intégrée : j’agis en «cohérence» avec mes valeurs, ce que je suis, ce qui est vraiment important pour moi.
Motivation intrinsèque
Tout cela pour finalement arriver à la motivation intrinsèque, où j’agis avec et par plaisir ! Ainsi, le plaisir n’est pas la seule motivation, mais le déplaisir total mène à un manque de motivation qui engendre souvent l’arrêt d’une action ou un dégoût.
On dit d’une action devenue importante pour nous qu’elle est intériorisée, c’est à dire «acceptée de l’intérieur».
«Les valeurs que nous avons intériorisées influencent notre bien-être… Jusque dans nos souvenirs !» peut-on lire dans un cours universitaire sur la psychologie des émotions et de la motivation (Philippe, 2020).
Les types et catégories
Mais alors, si le plaisir est important… Lequel est bénéfique ou néfaste ? Dans quelle intensité ? Identifions-en quelques catégories.
Smith, un philosophe sentimentaliste, s’est questionné sur cette notion. Il a divisé la «sensation» en trois «formes» de plaisir.
1ère forme
La première est produite dans une dynamique égocentrique totalement. Il la nomme «autoplaisir».
Dans cette forme, il est question de la réponse aux besoins biologiques de base qui sont aussi liés aux sentiments de sécurité d’un humain. Se nourrir, boire, être à l’abri.
Dans la pensée de Smith, il indique que ce plaisir peut s’éprouver même isolé. Vous êtes perdu dans la forêt depuis plusieurs jours et vous tombez sur un bosquet de framboise… Votre joie, ou plutôt plaisir sera intense et viscéral ! On imagine la même chose de nos ancêtres ! Non seulement, ce plaisir permet la survie, mais en plus il motive l’humain à recommencer sa recherche pour ne pas «mourir de faim».
Si nous n’avions pas de plaisir, nous n’aurions pas la motivation à combler nos vrais besoins physiologiques de base et ne pourrions protéger notre intégrité physique et notre bien-être psychologique.
À ne pas confondre avec un quasi-besoin («désir situationnel» et très souvent éphémère). Aujourd’hui, cette situation est rare en Occident, quoi que nous sommes chanceux de ne manquer de rien, mais nos «vieux réflexes» sont toujours bien ancré dans notre biologie humaine.
Les autres formes
Les deux autres formes de plaisir dont parle Smith sont conduites à travers des «relations interpersonnelles» et impliquent «une sympathie» envers d’autres humains.
Parlons du plaisir «direct», «réflexe», qui est transmis d’une personne à une autre «instantanément». Comme exemple la joie, qui, fortement manifestée, touche la personne en face de soi ! Nous dirons simplement que l’individu spectateur d’une situation ressentira du plaisir s’il s’identifie à l’autre et a l’impression que ce qu’il se passe pour l’autre est juste.
Par exemple, je vais voir quelqu’un être aidé dans la rue et ressentir du plaisir de constater la solidarité humaine. Ou le plaisir de voir la joie de son enfant qui a réussi un examen. (Anspach, M. (2008). Le plaisir de la sympathie)
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Plaisir par les sens en général
Concrètement, où se trouvent les expériences de plaisir dans nos vies ? La réponse est : partout ! Notre cerveau reçoit un nombre astronomique de messages et stimuli chaque seconde.
L’odeur délicieuse d’une boulangerie qui devient presque plus forte lorsque je regarde une pâtisserie qui me fait envie… Feu d’artifice quand je la mange !
Ou encore cette chanson qui me fait planer, me donne envie de l’écouter encore et encore ! Qu’est-ce que c’est bon ! Aller voir ces œuvres d’art qui me font vibrer, m’exclamer, m’émerveiller…
Mais aussi peut-être adorer les sensations fortes d’un sport extrême comme le parachute, le saut à l’élastique, des thrillers psychologiques.
Le plaisir de recevoir un compliment… Ou le déplaisir, parce que ça nous met mal à l’aise !
Il y a plusieurs échelles de plaisir et leurs effets et intensités sont souvent liés à nos expériences antérieures et à tout ce que nous avons internalisé, consciemment ou non.
La joie de manger
L’un de ces petits (grands !) plaisirs de la vie… Qui peut pourtant se révéler être une expérience douloureuse et dramatique pour certaines personnes qui se battent avec des troubles de l’alimentation ou des complexes quant à leur morphologie.
Dans un article intitulé Plaisir épicurien, plaisir viscéral et préférence de tailles de portions alimentaires, Cornil, Chandon et Touati (2018) expliquent comment le plaisir alimentaire se distingue en deux types :
2 types de plaisir alimentaires
D’abord le plaisir épicurien, c’est-à-dire celui de manger par les yeux. Il découle d’une «appréciation esthétique des dimensions sensorielles et symboliques» de ce que nous mangeons.
Le plaisir alimentaire viscéral est pour sa part lié au «rassasiement» des envies qui sont déclenchées par notre environnement.
L’analyse de l’étude de Cornil, Chandon et Touati (2018) montre qu’auprès de leur échantillon (population québécoise et états-unienne), le plaisir viscéral mène plutôt à un excès de nourriture, alors que l’épicurien reste dans une consommation dite «modérée et raisonnée». Ils concluent en indiquant que la taille des portions alimentaires a explosé dans les dernières décennies car dans la société nous réduisons beaucoup le plaisir alimentaire à sa «dimension viscérale». Typiquement, le rapport quantité/prix est souvent un indicateur prisé.
Cet exemple illustre bien comment dans un même panel de comportements, le plaisir peut prendre plusieurs formes qui vont combler des besoins différents et générer des actions différentes.
Le plaisir sexuel
Il est une notion qui est très subjective. Ce qui me fait plaisir ne fera pas nécessairement plaisir à l’autre. Un massage peut être source de plaisir et devenir un moment de qualité pour l’un. Alors que pour l’autre, c’est un geste trop intrusif qui tend et rend mal à l’aise.
Nous pouvons éprouver du plaisir simplement en anticipant celui à venir… Incroyable n’est-ce pas ? Ainsi, le plaisir a donc certainement un lien avec… le désir ! Mais ça, nous en reparlerons dans un prochain podcast !
Le plaisir sexuel est un excellent exemple de cette subjectivité.
2 types
Comme discuté dans le podcast #145 Je stimule les effets bienfaisants de mes hormones, nous distinguons deux types de plaisir sexuel. Celui provoqué par une stimulation génitale et qui, à son apogée, est nommé orgaste dans le sens de la décharge physique qu’il provoque. Il ne se nomme orgasme que si subjectivement la personne le ressent comme quelque chose d’agréable et de voulu.
Et puis, quelle diversité et intensité de plaisir peut-on trouver dans les rapports intimes et sexuels ! Saviez-vous que la composante la plus importante du plaisir sexuel est le la disposition mentale ? Ainsi, l’orgasme vient en grande majorité de… la tête. Bon à se rappeler, la prochaine fois que je m’inquiéterai de ma «performance».
Tout se joue dans les yeux, les odeurs, les phéromones, les sons, la complicité, la proximité. Ainsi, la notion de plaisir est large comme tout et certainement pas restreinte aux fameux orgasmes…
Certains couples, parlent même de se méfier de cette conquête de l’orgasme à tout prix qui finalement tue le vrai plaisir sexuel… et la complicité ! (Jean-François et Anne Descombes, Le slow sex: s’aimer en pleine conscience, 2019).
Apaiser la souffrance
Le plaisir est un moyen d’apaiser une souffrance, psychique ou physique. C’est pour cela que je vais aller chez le coiffeur ou l’esthéticienne et prendre soin de moi quand je ressens des émotions difficiles. Ou prendre un bain chaud pour me détendre. Mais aussi aller courir pour penser à autre chose. Ces moyens d’autorégulation émotionnels sont bons et importants s’ils ne sont pas sur-utilisés. Ils nous procurent un certain plaisir en nous déconnectant ou nous reconnectant selon le besoin, et en nous rééquilibrant, car nous tendons vers une sensation de bien-être.
La neurobiologie : dopamine, sérotonine et autres feux d’artifice du corps humain
Mais que se cache-t-il derrière le plaisir que nous ressentons quel qu’il soit ? Et pourquoi ce qui est source de plaisir pour certains ne l’est pas pour d’autres ?
En psychologie, l’expérience de Olds et Milner (1954) avait associé la notion de plaisir à un système de récompense. C’est-à-dire que dans une situation X des connexions neuronales tracent un chemin qui active le système de récompense du cerveau. Une fois que le circuit est tracé, le cerveau s’en souvient et va éventuellement chercher à recréer la sensation.
Plaisir et dépendance
Poussés à l’extrême, ces circuits peuvent conduire à des dépendances problématiques. Par exemple une dépendance à l’alcool, à la drogue ou toute autre substance ou activité qui est consommée à l’excès (par exemple, le sexe !). C’est pour cela que c’est si difficile d’arrêter de fumer ou de regarder des films pornographiques lorsqu’on est devenu dépendant et que cela stimule énormément notre cerveau et ces zones de gratifications et de récompenses. Notre corps en demande de plus en plus.
Saviez-vous qu’être amoureux active exactement la même chose dans le cerveau qu’une dépendance ? Les relâchements d’hormones sont tels qu’ils rendent «addict». Malheureusement ou heureusement pour nous, cette libération intense d’hormone dure quelques mois seulement. Mais c’est un beau cadeau pour commencer à construire une relation amoureuse et ensuite avoir envie de continuer à s’investir au-delà des sensations physiques.
Le système endocrinien, lorsqu’il est stimulé, va produire et relâcher ces «hormones du plaisir» et «du bonheur» dans le cerveau et l’organisme. Il s’agit notamment de la dopamine, de la sérotonine, des endorphines et de l’ocytocine. Toutes, elles ont une fonction complémentaire (AÉSIO Mutuelle, 2022)
Les hormones du plaisir
La dopamine : elle permet de se concentrer et de prendre des initiatives. C’est l’hormone de la motivation ! Un enseignant dans une classe encourageait ses élèves à s’applaudir après ou avant un examen, en disant que cela en stimulait la production.
La sérotonine : c’est à elle que nous devons la sensation de bien-être (physique et mental)… Et un bon sommeil réparateur! C’est l’hormone de la confiance en soi.
L’endorphine : calme, apaise, diminue la douleur et le stress. L’endorphine me permet de me relaxer, d’être dans de meilleures dispositions mentales et de garder mon énergie pour les bons moments.
L’ocytocine : petite hormone de l’amour, du lien social et de l’attachement, elle procure du bien-être à travers les relations humaines… et les orgasmes !
Je comprends maintenant d’où vient le plaisir, pourquoi il habite mon corps et mon psychique et à quel point il est essentiel pour mon bon fonctionnement. Tout est une question de répercussions et de ce qu’il me fait développer comme comportements.
Évidemment, je ne peux vivre que pour le plaisir et il n’est pas garant de bonheur. Mais les instants de plaisir qui me construisent, construisent aussi mon bonheur et ma vie.
Allez hop ! Je me lance :
Si je comprends :
- Le plaisir est essentiel et important ! Il crée l’envie d’agir et de vivre.
- Il permet la sécrétion d’hormones : la dopamine, la sérotonine, l’endorphine et l’ocytocine. Produites en trop grande quantité ou dans de mauvaises circonstances, elles peuvent créer une dépendance et entraîner des comportements non désirés.
- Le plaisir est lié à l’histoire de notre cerveau, aux circuits de récompense qui se sont tracés,
- Et il a un impact direct sur notre vie et sur nos choix.
À vous de jouer chers auditeurs :
Cette semaine, je prends deux minutes pour identifier et nommer quelques actions qui me font vraiment plaisir et me font du bien sur le long terme. Comme bien dormir, sortir en nature, voir une personne avec qui je suis bien, m’offrir un petit quelque chose de délicieux, me faire couler un bon bain. Ou encore chanter, méditer, écrire, passer du temps avec mes enfants, faire du sport, et milles autres choses. Bien des plaisirs en perspective !
Petite mousse de la semaine :
La petite mousse de la semaine est gouleyante cette semaine et nous vient de Grégoire Lacroix « Le plus court chemin du plaisir au bonheur passe par la tendresse ».